Révolution industrielle

La révolution industrielle, expression créée par Adolphe Blanqui, sert à désigner le processus historique du XIXe siècle qui se définit par le passage d'une société à dominante agraire et artisanale à une société commerciale et industrielle.


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Révolution industrielle - Histoire économique - Histoire du capitalisme - Sociologie économique - Archéologie industrielle

Définitions :

  • Phénomène majeur de modernisation au XIXe siècle des industries et des transports, mais aussi ses conséquences profondes sur l'économie, la politique, la société et l'environnement.... (source : votreimpact)

La révolution industrielle, expression créée par Adolphe Blanqui[1], sert à désigner le processus historique du XIXe siècle qui se définit par le passage d'une société à dominante agraire et artisanale à une société commerciale et industrielle. Cette transformation a affecté profondément l'agriculture, l'économie, la politique, la société et l'environnement du monde contemporain. Il convient de distinguer l'impact de la révolution industrielle sur l'agriculture et la révolution agricole elle-même.

L'utilisation scientifique de cette expression est cependant contestée par des historiens comme Fernand Braudel, qui note que le caractère brutal qu'implique le mot «révolution» ne peut a priori s'appliquer qu'au Royaume-Uni et que, pour les autres pays, il convient mieux de parler d'industrialisation, terme mettant en avant une idée de processus plus progressif.

Définition

La révolution industrielle se définit par le passage d'une société à dominante agricole et artisanale à une société commerciale et industrielle dont l'idéologie est technicienne et rationaliste[2]. On peut parler au pluriel des révolutions industrielles pour désigner les différentes vagues d'industrialisation qui se sont succédé dans les différents pays à l'époque moderne, la révolution industrielle ayant eu lieu de façon décalée dans le temps et dans l'espace selon les pays reconnus.

Les premiers espaces à s'être industrialisés sont la Grande-Bretagne à la fin du XVIIIe siècle, puis la France au début du XIXe siècle : ce sont les pays de la première vague. L'Allemagne et les États-Unis, quant à eux, se sont industrialisés à partir du milieu du XIXe, le Japon à partir de 1868 puis la Russie à la fin du XIXe : ce sont des pays de la seconde vague.

Les transformations économiques, politiques et sociales furent telles que certains, comme Max Pietsch[3] et David Landes[4], caractérisent la révolution industrielle plutôt comme une rupture avec le passé. D'autres y voient plutôt la convergence d'éléments que le contexte historique a favorisés et généralisés au XIXe siècle. Karl Polanyi, dans son ouvrage majeur de 1944 intitulé La Grande Transformation, expose surtout l'idée d'un siècle marqué par :

Si d'aucuns s'accordent à reconnaître l'impact colossal des transformations portées par la révolution industrielle, il faut veiller à ne pas oublier ou même négliger l'existence d'éléments assurant une certaine continuité entre les périodes pré-industrielles et industrielles, ce dont Walt Whitman Rostow sera l'un des premiers à rendre compte[5]. À cet égard, Franklin Mendels parle d'une situation de «proto-industrialisation» dans de nombreuses régions d'Europe[6] et P. Léon note l'existence de «nébuleuses industrielles» antérieures au XIXe. De même, Bernard Rosier et Pierre Dockès[7] montre que l'avènement du factory system fait suite à l'expérience antérieure du manufactory system et Alexander Gerschenkron note que la révolution industrielle est en particulier le résultat d'obstacles économiques, politiques et sociaux qu'opposaient les sociétés respectant les traditions et surmontés par chaque État. Enfin, Fernand Braudel note : «Il n'y a jamais entre passé, même lointain et présent de discontinuité absolue, ou si on préfère de non contamination. Les expériences du passé ne cessent de se prolonger dans la vie présente».

De nombreux auteurs datent, en fait, le début de la révolution industrielle de la fin du Moyen Âge, début de la Renaissance. C'est ainsi que Paul Mantoux parle de l'existence d'un capitalisme industriel dès le milieu du XVIe siècle, mais la révolution industrielle en soi date, selon lui, du XVIIIe siècle[8]. C'est cette période entre le XVIe siècle et le XVIIIe siècle que Franklin Mendels qualifie de «proto-industrielle».

Industrialisation massive : panorama sur les usines sidérurgiques Carnegie à Youngstown dans l'Ohio.

Avant la révolution industrielle

De la fin du Moyen Âge au XVIIIe siècle, l'Europe connaît plusieurs phases de croissance démographique et de prospérité économique. Cependant cette expansion est toujours rattrapée par des crises profondes : les épidémies, les guerres et les disettes. La mortalité infantile est particulièrement élevée, l'hygiène reste le plus souvent désastreuse, ce qui est attesté par les déformations et autres marqueurs d'innombrables maladies relevées sur les squelettes de l'époque. L'alimentation est principalement à base de céréales[9].

La société est toujours beaucoup féodale, et presque exclusivement agricole. Cependant, les premières sociétés capitalistes apparaissent dès la Renaissance en Hollande et dans le nord de l'Italie. Les techniques enregistrent d'importants progrès : navigation, imprimerie, horlogerie et méthodes financières. Les foires, carrefours essentiels des échanges, se développent dans certaines régions d'Europe et attestent de l'existence d'une économie de marché, bien que de manière marginale.

L'usine, au sens moderne, est inexistante. Les manufactures établies par le pouvoir royal, en France surtout, restent une activité marginale. Cependant, certaines formes d'organisations, comme le putting-out system, annoncent la révolution industrielle ; les marchands commencent à apporter les paysans en matières premières, quelquefois en outils, pour récupérer ensuite un produit transformé qu'ils revendront en ville. Les paysans en tirent un complément de revenu. Ce mode de vie n'est par conséquent plus particulièrement le servage mais n'est pas encore le salariat. C'est un mélange inédit d'agriculture et d'artisanat. L'économie moderne est en germe.

L'avènement des indiennes de coton composées de processus techniques complexes provoquent le développement d'une proto-industrie dans plusieurs régions d'Europe au XVIIIe siècle.

À l'exception de certaines régions, comme les Flandres, l'agriculture est toujours beaucoup sous productive, et végète sous le joug de l'archaïsme féodal. La pratique de l'assolement triennal reste la règle, et les champs sont exploités de façon collective, l'absence de clôtures donnant la possibilité de le mouvement du bétail d'un terrain à l'autre.

D'après les calculs d'Angus Maddison, l'Europe occidentale connaît de 1500 à 1800 une croissance démographique de 0, 14 %, un taux faible mais déjà supérieur à ceux des autres régions du monde (0, 02 %). C'est par conséquent dès le XVIIIe siècle que l'Europe commence à creuser l'écart économique avec le reste du monde. Mais cette avance reste limitée[10].

Néanmoins si l'Europe occidentale n'est pas bien plus riche que le reste du monde, elle a déjà commencé à le dominer, les grandes compagnies de commerce ayant acquis, grâce à la supériorité des techniques maritimes, le contrôle des mers. Mais ce commerce concerne principalement les produits de luxe, surtout les épices, dont la clientèle est la partie la plus riche de la population, c'est-à-dire un groupe social numériquement minime.

Contexte favorable, résultat d'une longue évolution

Article connexe : Histoire du capitalisme.

Structures sociales, économiques et politiques

Évolution de la société

Dès le XVIe siècle, la réforme protestante conduite par Martin Luther et Jean Calvin secoue l'Europe tout entière. Le protestantisme porte en lui les germes de ce qui forme un «terreau» de valeurs qui révolutionnent la conception du travail et de la vie. En effet, selon Max Weber, le travail n'est pas reconnu comme le châtiment expiatoire du pêché originel comme dans l'éthique catholique. C'est une valeur principale au travers de laquelle chacun s'efforce de se rapprocher de Dieu[11]. Suite à la révocation de l'Édit de Nantes, par l'Édit de Fontainebleau de 1685, la France s'est privée du savoir-faire et des capitaux des protestants, les huguenots, qui durent fuir vers les Provinces-Unies (aujourd'hui les Pays-Bas) et l'Angleterre[12].

L'évolution des idées est aussi marquée par la dimension prise par la bourgeoisie au sein de la société. Il est notable que l'expansion économique précoce se fait fréquemment dans un contexte politique déjà en partie affranchi du féodalisme. Venise, en Italie du Nord, est dominée par les marchands et les Provinces-Unies mais aussi l'Angleterre se sont pourvues d'un régime parlementaire.

Transformation de l'entreprise

Peinture de Hendrick Cornelisz Vroom, réalisée vers 1600, montrant le départ de voiliers de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales.

Le capitalisme ne naît pas avec la révolution industrielle ; Fernand Braudel note que les activités du capitalisme marchand et financier sont déjà beaucoup développées à la fin du Moyen Âge, dans des régions comme le nord de l'Italie ou les actuels Pays-Bas, et l'allemagne du nord.

A titre d'exemple, les grandes compagnies commerciales maritimes, comme la Compagnie anglaise des Indes orientales (1600) ou bien la Compagnie néerlandaise des Indes orientales (1602), préfigurent, dès le XVIIe siècle, l'entreprise moderne. Elles forment en effet les premières entités à rassembler capitaux, moyens matériels (navires), progrès technologiques (boussole, sextant, etc. ) et hommes. Leurs objectifs annoncent ceux des entreprises modernes : le profit monétaire.

D'autre part, durant l'ère préindustrielle, ou «proto-industrielle» selon l'expression Franklin Mendels, on retrouve des «nébuleuses industrielles» (P. Léon) comme en Flandres au XVIIe siècle dans lesquelles se développent des formes embryonnaires d'entreprises pour contourner les règles corporatives. C'est par conséquent à cette époque que les premières formes juridiques d'entreprises sociétaires voient le jour ; c'est le cas de la société en commandite.

Le recours à des capitaux extérieurs, typique de la révolution industrielle, pose la question de l'Accumulation primitive du capital, à laquelle la majorité des grands auteurs apportent des réponses divergentes.

La révolution industrielle voit émerger une importante concentration de capitaux servant au financement d'investissements de plus en plus coûteux, comme les chemins de fer au XIXe siècle. C'est la création d'une nouvelle forme juridique d'entreprise, la société anonyme (SA), qui favorisera les apports en capitaux de plusieurs investisseurs étant donné que ceux-ci n'engagent leur responsabilité qu'à hauteur des montants investis, ce qui limite les risques. Jusque-là, les «investisseurs» associés au sein de sociétés en nom commun (SNC) découpées en parts non négociables, et non en actions, avaient la qualité juridique de «commerçants» et étaient, à ce titre, responsables sur leurs biens propres. Les premières sociétés de capitaux comme les sociétés en commandite par actions (actions négociables à la Bourse) remontent en France au Code du commerce de 1807, mais restent marginales[13].

La mise en place des joint stock companies (JSC) en Angleterre fait suite à l'abrogation du Bubble Act en 1825 et au Joint Stock Companies Act de 1856. La France, quant à elle , instaure la société anonyme après les lois de 1863 et 1867 et l'Allemagne en 1870. Entre 1879 et 1913, 11, 4% des sociétés créées en France sont des sociétés anonymes selon François Caron[14].

Le libéralisme à l'aube de l'industrialisation

La réflexion sur le rôle de l'État dans l'économie se développe essentiellement au XVIIIe siècle. Adam Smith préconise en 1776 dans sa Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations la présence d'un État-gendarme assurant d'une part ses prérogatives régaliennes et d'autre part des fonctions tutélaires. Il ne s'agit par conséquent pas d'un État minimal.

De surcroît, le siècle des Lumières a accouché d'une conception de l'État qui garantit les libertés individuelles. Économiquement, cet État défend la libre concurrence ; c'est par conséquent en toute logique qu'il l'introduit dans la société et l'économie. Concrètement, cela se traduit en France par l'abrogation des corporations suite au décret d'Allarde en mars 1791 et par l'interdiction de toute coalition suite à la loi Le Chapelier du 14 juin 1791 : «Il n'y a plus de corporations dans l'État ; il n'y a plus que l'intérêt spécifique de chaque individu et l'intérêt général.»[15]

En Angleterre, les Combination Acts de 1799 et 1800 engagent un processus identique. De telles mesures ont eu un impact décisif sur le processus de révolution industrielle puisque selon Arnold Toynbee «l'essence même de la révolution industrielle est la substitution de la libre concurrence aux règlementations qui, depuis le Moyen Âge, étaient imposées à la production»[16].

En outre, le XIXe siècle se partage entre périodes de libre-échange et d'autres de protectionnisme, même si «le protectionnisme est la règle, le libre échange l'exception»[17]. Or, les thèmes du libre-échange et du protectionnisme sont aussi issus d'une longue réflexion historique. Déjà au XVIIe siècle le mercantilisme était une «économie au service du prince»[18] et défendait les frontières du royaume. Le Royaume-Uni commercialiste optait alors pour des mesures protectionnistes telles le Navigation Act de Cromwell en 1651 ou bien les Corn laws en 1815 suite à l'Importation Act. En outre, le physiocrate Vincent de Gournay lançait déjà au XVIIIe siècle : «laissez faire, laissez passer». La physiocratie précédait ainsi les idées libérales d'Adam Smith et de David Ricardo. Ce dernier fut tout au long de sa vie un ardent défenseur de l'abrogation des corn laws. Leur abrogation par le Peel Act du 15 mai 1846 formera, tout comme l'abrogation du Navigation Act en 1849, un tournant essentiel du XIXe siècle.

De manière plus approfondie, Adam Smith préconise aussi la division du travail, source d'efficience et de dextérité et par conséquent d'une meilleure productivité. Elle est aussi synonyme de spécialisation et par conséquent d'interdépendance entre les acteurs économiques qui est un facteur de généralisation du marché.

Ce libéralisme est par conséquent à l'origine de la généralisation du marché au XIXe siècle, jadis existant mais de manière marginale, facteur décisif dans le processus d'industrialisation. Karl Polanyi estime dans La Grande Transformation que le marché a fonctionné de manière autorégulée, c'est-à-dire sans intervention aucune de l'État, entre 1834, date de l'abolition de la loi de Speenhamland consacrant la marchandisation de la main d'œuvre, et 1929, date à laquelle la crise économique contraint l'État à institutionnaliser le marché.

Progrès scientifiques

La révolution industrielle est le fait de la découverte de nombreuses innovations qui ont favorisé l'industrialisation. Cette «grappe d'innovation», pour reprendre l'expression de Joseph Schumpeter, fut d'une ampleur telle que la révolution industrielle a pu apparaître comme une véritable rupture au niveau des techniques.

Pourtant, de nombreuses industries apparaissent dès le milieu du XVe siècle, comme l'imprimerie et la soierie. C'est ce que révèlent les travaux de Henri Hauser[19]. Ces industries ont alors favorisé l'émergence des premières manufactures dont certaines, en France, furent créées sur décisions royales dès le règne d'Henri IV mais en particulier sous celui de Louis XIV, influencé par les idées mercantilistes de Colbert. De même, Lewis Mumford[20] considère l'invention de l'horloge comme une des premières activités mécaniques, donnant la possibilité de le perfectionnement de certaines techniques et facilitant la division du travail.

Trois révolutions : agricole, démographique et industrielle

Révolution agricole

Bien qu'une lente évolution se soit amorcée depuis le Xe siècle selon certains historiens comme Georges Duby[21], les techniques agricoles n'évoluent de manière significative qu'à partir du XVIIIe siècle. La révolution agricole, c'est-à-dire le bouleversement des techniques, caractérisé par des innovations, commence dans le sud de la Grande-Bretagne aux environs des années 1720. Jusque là, seules les Provinces-Unies profitaient d'une forte productivité agricole. Dès 1720 Charles Townshend expérimente un dispositif nouveau dans le comté de Norfolk : l'assolement continu se substitue à l'assolement triennal avec jachère. C'est le début d'une vague d'innovation : drainage, marnage, invention du semoir par Jethro Tull en 1701, etc.

Cependant, l'élément principal est le bouleversement de l'exercice de la production agricole génèré par les mouvements d'enclosure entamé au XVe siècle. La mise en clôture des terres agricoles par les landlords marque une rupture avec le dispositif respectant les traditions de l'openfield, synonyme de profits collectifs. Les enclosures, inaugurées en Angleterre par les Enclosure acts dès 1760, permettent le remembrement agricole, l'application de nouvelles techniques et l'accroissement de la production de manière significative. Pour Karl Marx le mouvement d'enclosure est à l'origine du départ des paysans sans terre vers les villes dans lesquelles ils deviendront les premiers ouvriers — mais aussi les premiers prolétaires — de la révolution industrielle. En effet, les enclosures privent nombre de ces petits paysans de leur moyen de subsistance, à savoir la culture des biens communaux. C'est le «triomphe de l'individualisme agraire», selon l'expression de Marc Bloch[22].

Bien que la France ait plus de retard en matière d'innovation agricole du fait d'un refus de l'agriculture «à l'anglaise», l'historien Jean-Claude Toutain note tout de même un accroissement de la production agricole en France de 20 à 30 % par décennie de 1700 à 1780. Ceci servant à supporter la forte croissance démographique de la France au XVIIIe siècle. De même, le marché agricole se développe en France après la Révolution de 1789 qui consacre la libération de la terre, donnant la possibilité de , selon l'expression de Pierre Rosanvallon, de «déterritorialiser l'économie et de construire un espace fluide structuré par l'unique géographie des prix»[23]. Ces éléments remettent en cause l'idée du conservatisme du monde rural, surtout en Europe de l'Ouest . Quant au monde agricole de l'Europe méditerranéenne et centrale, il demeure respectant les traditions surtout en Russie où le servage n'est aboli que le 3 mars 1861.

La révolution agricole, débutée au début du XVIIIe siècle, se poursuit tout au long du XIXe siècle. C'est la naissance du machinisme agricole, marqué par quelques innovations majeures comme la moissonneuse mécanique de Cyrus Mac Cormick en 1824, sa moissonneuse-batteuse en 1834, la charrue de Mathieu de Dombasle en 1837, puis la naissance des engrais artificiels grâce à la chimie (recherches de Justus von Liebig dans les années 1840), etc.

Transition démographique

Le principe de la transition démographique.

Les pays ayant connu la révolution industrielle ont aussi tous connu des mutations démographiques dont principale est la transition démographique. Celle-ci ne se produit pas nécessairement au même moment que l'industrialisation, ce qui sert à nuancer les liens entre démographie et révolution industrielle.

La transition démographique correspond à une période de déséquilibre entre les taux de natalité et les taux de mortalité. Avant que ne commence la transition démographique, le régime démographique respectant les traditions est celui d'une natalité et d'une mortalité fortes qui se compensent.

Les progrès humains se définissent par la raréfaction des famines et le meilleur traitement des épidémies, quelquefois combinés à une absence temporaire de guerre, surtout au XIXe siècle. Les progrès de la médecine jouent un rôle important : vaccination antivariolique de Edward Jenner en 1796, découverte de la morphine en 1806, découverte du bacille de la tuberculose par Robert Koch en 1882, vaccin contre la rage de Louis Pasteur en 1885 etc. C'est à dire, il s'agit du recul des «trois parques surmortelles» selon l'expression d'Alfred Sauvy[24]. Ces progrès suscitent, dans le premier temps de la transition, une chute de la mortalité sans que le taux de natalité en soit changé. L'écart important, alors constaté entre la mortalité et la natalité, provoque une hausse importante de la population. Par la suite, des évolutions sociologiques et culturelles, liées à l'évolution des modes de vie, des «mentalités collectives» et de la famille avec l'enfant comme préoccupation centrale d'une famille qui tend à devenir «nucléaire»[25], provoquent un recul de la natalité dont le taux tend à converger vers celui de la mortalité.

La transition démographique est alors terminée, et laisse le plus souvent la place à une période de stabilité marquée par une faible mortalité et une faible natalité.

La France est le premier pays à connaître la transition démographique, au XVIIIe siècle, si quoiqu'elle est la nation la plus peuplée d'Europe en 1800, après la Russie. Certains font la corrélation avec la prédominance de l'économie française à la même époque ; le PIB de la France représente 15 % du PIB européen soit 1/3 de plus que le PIB du Royaume-Uni et trois fois plus que celui des États-Unis en 1820. Par la suite, le Royaume-Uni connaît à son tour la transition démographique ; sa population est multipliée par 9 entre 1500 et 1900 et passe de 6 à 21 millions d'habitants entre 1750 et 1850. Parallèlement, le Royaume-Uni est le premier pays à s'industrialiser. De même, la population des États-Unis est multipliée par 15 entre 1820 et 1950 et dans le même temps son PIB est multiplié par 14. On voit tout de même que le lien entre essor démographique et industrialisation est complexe puisque la France est le premier pays à entrer en phase de transition démographique mais c'est le Royaume-Uni qui entre le premier dans la révolution industrielle, ce même Royaume-Uni qui entrera ensuite dans le processus de transition démographique.

Trois bouleversements liés

Une batteuse en 1881, un exemple de lien entre industrie et agriculture.

La révolution agricole sert à soutenir l'évolution démographique en donnant la possibilité de la disparition des disettes. L'accroissement de la population a cependant suscité certaines craintes à l'époque. Thomas Malthus soutenait mais aussi la croissance démographique évoluait de manière géométrique (1, 2, 4, 8, 16, 32... ) tandis que l'agriculture n'évoluait que de manière arithmétique (1, 2, 3, 4, 5, 6... ), d'autant plus que les gains de productivité dans l'agriculture étaient confrontés aux rendement décroissant des terres[26].

La transition démographique a elle aussi eu des répercussions sur l'agriculture, elle lui a apporté des perspectives de profit. D'autre part, les études d'Ester Boserup montrent que l'accroissement démographique a peut-être mis la population face à des impératifs de productivité, «la obligation étant la mère de l'invention»[27].

Des auteurs comme Paul Bairoch[28] et Walt Whitman Rostow considèrent la révolution agricole comme endogène à la révolution industrielle. L'augmentation de la productivité agricole par tête a permis de diminuer la part des travailleurs agricoles. Ces derniers étant mis au chômage se sont rendu dans les villes et ont apporté à l'industrie d'importante main d'œuvre, principale à son expansion. L'agriculture en évolution a aussi profité d'une mécanisation croissante, qui s'est traduite par des commandes industrielles. L'augmentation du produit brut agricole augmente la rentabilité et la valeur des terres, et sert à dégager des possibilités financières pour l'investissement.

Pourtant, les travaux de Phyllis Deane [29] montrent qu'il faut relativiser cette théorie en soulignant le décalage géographique qu'il existe entre les régions où se déroulent la «révolution agricole» et celles où se développent l'industrialisation. Ainsi, le Sud-Est de l'Angleterre, qui connaît des progrès en matière agricole, n'est pas la première région d'Angleterre à s'industrialiser. Il existe un décalage identique, cette fois-ci temporel, entre transition démographique et industrialisation. Ainsi, les régions dont la croissance démographique est importante ne sont pas nécessairement celles qui connaissent le processus d'industrialisation en premier, comme en Espagne. De même, d'autres régions qui s'industrialisent ne connaissent pas une très forte poussée démographique, comme dans la partie rhénane de l'Allemagne[30].

Le décalage est aussi chronologique, selon La Révolution industrielle (page 254), de l'économiste Patrick Verley : les progrès agricoles ne sont pas traduits partout par un exode rural, la croissance démographique profitant en particulier aux campagnes, où on mange mieux et moins cher, meurt moins fréquemment jeune, et participe plus nombreux aux travaux des champs, complétés par du travail à façon à domicile. Cette croissance démographique rurale ouvre par contre des débouchés commerciaux à la révolution industrielle. Qui plus est , l'exode rural, lorsqu'il a lieu, est fréquemment orienté vers les Amériques. Quant aux témoignages écrits sur le chômage au XIXe siècle, ils correspondent à des périodes de récession, les chômeurs étant d'ex-ouvriers plutôt que d'ex-paysans. Dans un autre ouvrage aussi titré La Révolution industrielle (page 191) Jean-Pierre Rioux note qu'en 1920, la population agricole représente toujours 46% de la population active d'une Angleterre, alors deux fois moins peuplée que la France, relativisant la théorie marxiste de "l'armée de réserve du capital".

En outre, la théorie selon laquelle les excédents agricoles ont soutenu l'industrialisation est elle aussi à relativiser. En effet, ces excédents ont été réinvestis, pour une large part, dans l'agriculture. En réalité, ce sont plutôt les excédents industriels qui se sont dirigés vers l'agriculture, surtout dans de grandes propriétés, quelquefois au nom du prestige social qui faisait défaut à la bourgeoisie. Cependant, le rôle de l'agriculture, s'il n'est pas l'unique à permettre le processus d'industrialisation, n'en demeure pas moins essentiel dans les pays de la première vague[31] comme dans ceux de la seconde vague, surtout le Japon et la Russie.

Première révolution industrielle

Dans une perspective linéaire, à la manière de celle de W. W. Rostow, la première révolution industrielle commence en Angleterre dès le milieu du XVIIIe siècle et en France au début du XIXe siècle ; ce sont les pays de la première vague, qui bénéficient dans le domaine textile de la croissance de la proto-industrie au XVIIIe siècle en Suisse ou en Alsace.

Importance des brevets

Le brevet de la «Hebern single-rotor machine» (machine de Hebern), brevet n° 1510441 daté de 1918.

La première véritable législation attribuant un monopole pour les inventions apparaît à Venise en 1474. Cette loi précisait que le monopole était la contrepartie de sa divulgation. Dès cette époque, le brevet a deux fonctions :

Pour Joseph Schumpeter le brevet est indispensable pour assurer une rente de monopole à l'entrepreneur-innovateur, mais doit rester temporaire. S'il est normal de protéger l'innovateur par une rente de monopole, juste retour de l'investissement et des sacrifices consentis, elle doit rester temporaire pour encourager à innover sans cesse. Toujours selon Joseph Schumpeter, les cycles de croissance de long terme — cycle Kondratieff — s'expliquent par l'existence de périodes de «grappes d'innovations»[32] ou pas source d'un processus de «destruction créatrice»[33].

Le parlement britannique transforme les monopoles royaux en brevets dès 1624 : il faut une réelle invention et la durée de vie est limitée à dix ans. Mais les monopoles royaux reviennent dès la restauration britannique[34]. Le parlement qui gouverne le pays après 1688, lors de la révolution financière britannique, récompense les inventeurs par des concours. Pour montrer l'exemple, il utilise fréquemment le premier l'invention[35]. En 1714, il offre 10.000 sterling à qui trouve un moyen d'établir les longitudes en mer à un degré près[36]. L'Angleterre dépose deux fois plus de brevets entre 1690 et 1699 que dans chaque décennie de la période 1660-1690. Le 2 juillet 1698, celui de l'ingénieur Thomas Savery pour le pompage de l'eau dans les mines de charbon, est par exemple annoncé par une publicité dans un journal, puis peaufiné par l'association avec Thomas Newcomen en 1705. La loi est appliquée strictement : en 1718, lors du brevet accordé à James Puckle pour une mitrailleuse, il doit prouver une «spécification». L'énergie des inventeurs est en premier lieu particulièrement mobilisée par la Royal Navy, sur fond d'aventure coloniale.

L'acceptation du brevet de James Watt en 1769 établit un principe important : un brevet peut être accordé pour le perfectionnement d'une machine (à vapeur, celle de Thomas Savery et Thomas Newcomen) déjà connue, et pour des idées et des principes — à condition qu'ils puissent être appliqués concrètement. Le fameux brevet de Richard Arkwright pour des machines de filage fut invalidé en 1777 pour absence d'une spécification correcte, après dix ans d'existence, tandis qu'il perfectionnait la machine à filer brevetée par l'immigré Huguenot Lewis Paul en 1738 et vantée en 1757 dans un poème du révérend John Dyer [37]. L'innovation des Premiers entrepreneurs du coton britannique est relancée par le brevet du révérend Edmund Cartwright sur sa tisseuse à vapeur, déposé en 1785 après avoir visité en 1784 l'usine de Richard Arkwright et appris que le brevet expirait.

En France, la première législation sur les brevets fut créée en 1791, mais dès 1762, le privilège royal autorisant une production fut ramené à une durée de quinze ans[38].

Secteurs clés

Une énergie : la vapeur

Au Ier siècle de l'ère chrétienne Héron d'Alexandrie construisit l'Éolipyle, sorte de jouet à vapeur fonctionnant comme une turbine à réaction. Il faudra attendre d'autres inventeurs, comme Denis Papin pour montrer que la vapeur sous pression pouvait actionner un piston dans un cylindre. En réalité, au départ, la notion de travail associé à cette machine est complètement absente et il faudra attendre les travaux de Nicolas Léonard Sadi Carnot et l'apparition de la thermodynamique pour formaliser ce concept. C'est exactement cette notion qui, attachée aux machines développées au moment de la révolution industrielle, avec en parallèle l'utilisation d'énergie fossile, feront basculer le système technique vers la civilisation thermo-industrielle.

La première machine fonctionnant à vapeur à être utilisée industriellement fut celle du capitaine Thomas Savery en 1698. Elle servit à pomper l'eau d'exhaure dans les mines de Cornouailles. Quoique simpliste et gourmande en charbon, elle sauva de nombreuses mines de la ruine.

Moteur atmosphérique à vapeur de Newcomen.

La première véritable machine à vapeur, celle dont l'ensemble des machines alternatives descendent, fut celle découverte et construite par un forgeron du Devon : Thomas Newcomen en 1712. Elle fut construite comme machine de pompage pour une mine de charbon localisée près de Dudley Castle, dans le Staffordshire. Particulièrement fiable, cette machine fonctionnait au rythme lent de douze coups par minute, et consommait aussi énormément de charbon. La machine à vapeur de Newcomen ne pouvait servir qu'à pomper de l'eau, d'autre part sa consommation de charbon était particulièrement élevée. En effet, pendant son fonctionnement on envoyait dans le cylindre successivement de la vapeur, qui le réchauffait, puis de l'eau froide, qui le refroidissait : le charbon servait en particulier à réchauffer le métal du cylindre.

En 1764, frappé par la déperdition d'énergie de la machine de Newcomen, James Watt imagina de ne plus condenser la vapeur dans le cylindre, mais dans un condenseur scindé. Il en déposa le brevet en 1769. L'application industrielle commença à partir de 1775, après que James Watt se fut associé avec Matthew Boulton, propriétaire de la manufacture de Soho, près de Birmingham. Leur démarche de commercialisation était elle-même innovante : ils passaient un contrat avec un client équipé d'une machine Newcomen, et finançaient le remplacement par une machine de Watt. Les deux associés se payaient en prenant pour eux une part des économies de charbon réalisées par le client, grâce au bon rendement énergétique de la machine de Watt.

Machine à vapeur de Watt.

Watt breveta plusieurs autres inventions comme la machine rotative et en particulier la machine à double effet (1783) dans laquelle le cylindre reçoit la vapeur alternativement par le bas et par le haut, ainsi qu'un régulateur centrifuge ou à boules (1788) assurant une vitesse constante au moteur. La machine à vapeur pouvait remplacer les roues de moulin, pour l'entraînement des équipements industriels.

Le développement fut rapide, et 496 machines à vapeur Boulton et Watt étaient en service en Grande-Bretagne en 1800. Les brevets de Watt tombèrent dans le domaine public vers 1800. Le développement de la machine à vapeur fut l'une des raisons de la précocité britannique. En 1830 le Royaume-Uni possède 15 000 machines à vapeur, la France 3 000 et la Prusse 1 000. La France restera à la traîne dans ce domaine : en 1880 elle ne possède que 500 000 chevaux-vapeur installés contre deux millions pour le Royaume-Uni et 1, 7 million pour l'Allemagne.

Un moyen de transport : le bateau

L'USS Cayuga, un navire à vapeur de 1861

La révolution industrielle, en particulier dans sa première phase, s'appuie sur la vapeur servant à faire fonctionner des bateaux à vapeur et , légèrement plus tard, des locomotives. Aussi, une autre énergie sera développée, plus marginalement, durant cette période : le gaz. Ce dernier servira surtout à éclairer les premières usines avant que ne soit généralisé l'usage de l'électricité, à la fin du XIXe siècle.

L'adaptation de la machine à vapeur à des bateaux était plus complexe que pour les chemins de fer : risque d'incendie avec les coques de bois, risque de panne — un bateau dont la machine tombe en panne est désemparé — faible autonomie due au mauvais rendement des machines à vapeur. Cependant, le 15 juillet 1783, le «Pyroscaphe» est le premier bateau à vapeur — naviguant pendant un quart d'heure, sur la Saône — construit par le marquis Claude François Dorothée de Jouffroy d'Abbans (1751- 1832). La navigation à vapeur commença par conséquent sur les rivières, dans les ports pour les remorqueurs, et sur des trajets courts, comme la traversée de la Manche. Les bateaux à vapeur progressent rapidement, tant en nombre qu'au niveau technique. Ainsi, dès 1830 les premiers steamers mettent dix jours de moins sur le trajet New York-Londres que les voiliers les plus rapides. L'augmentation de la taille des navires divise les frais de transports par quatre entre 1820 et 1850 sur les liaisons internationales.

En 1869, l'ouverture du canal de Suez permit aux bateaux à vapeur de faire le trajet vers l'Inde en 60 jours, contre six mois jusque là. D'autre part, des dizaines de bateaux à vapeur ont sillonné la Loire entre 1830 et 1850. Leur vitesse était impressionnante (de 4 à 15 nœuds à la remonte, et 9 nœuds en descendant), et donnait lieu à des courses qui se terminaient quelquefois dans un banc de sable… Vers 1850, le chemin de fer entraînera leur disparition. C'est en 1910 que la Royal Navy britannique prend la décision de basculer vers une alimentation au fuel, et non au charbon, pour ses nouveaux bâtiments. Cette bascule est ensuite générale dans le domaine du transport, instaurant l'ère du pétrole pour le XXe siècle.

Canal vers 1850.

Au cours de la première moitié du XVIIIe siècle, le développement de l'industrie charbonnière reposait sur les transports par bateaux, soit sur les rivières navigables, soit par mer. Les routes ne permettaient pas de transporter des chargements lourds, en particulier après une pluie.

Francis Egerton, troisième duc de Bridgewater (1736 - 1803), put voir dans son grand tour d'Europe le canal du midi, ouvert en 1681. Possédant des mines de charbon à Worsley, près de Manchester, il décida la construction d'un canal pour transporter son charbon de ses mines jusqu'à Manchester. La construction commença en 1759, dirigée par James Brindley, et se termina en 1776, pour un coût de 350 000 £ — énorme pour l'époque —. Ce canal rapporta un grand profit au Duc, et la prospérité à Manchester qui put disposer d'un charbon bon marché, pour les machines à vapeur et l'industrie du coton qui commençait à se développer.
Rapidement, un réseau de 4 800 km de canaux permit l'acheminement du charbon et d'autres produits légèrement partout. Par la route, un cheval pouvait transporter 120 kg, sur un canal, le même cheval pouvait tirer 50 tonnes à la vitesse moyenne de 6, 5 km/h. Des bateaux rapides tirés par deux chevaux (remplacés l'ensemble des 6, 5 km) transportaient des passagers à la vitesse moyenne de 16 km/h.

Pendant 50 ans, les canaux furent les artères de la première révolution industrielle, faisant la fortune de leurs propriétaires. Puis le chemin de fer les remplaça progressivement, jusqu'à s'imposer définitivement au cours de la seconde révolution industrielle.

Textile

voir Histoire de la soie voir Premiers entrepreneurs du coton britannique

Jusque vers 1750 la production était réalisée soit à domicile, soit dans des ateliers artisanaux avec quelques apprentis ; c'est le domestic system qui domine. Il s'agissait fréquemment d'un revenu d'appoint, pendant les temps morts de l'agriculture. Cette organisation rationnelle des familles par elles-mêmes forme les prémisses de l'industrialisation nommée proto-industrialisation.

L'industrie textile fut la première à être mécanisée, les Premiers entrepreneurs du coton britannique jouant un rôle majeur dès la seconde moitié du XIXesiècle, selon l'historien Fernand Braudel :

La spinning-jenny de James Hargreaves, 1765

Richard Arkwright achetait leurs cheveux aux paysannes pour faire des perruques. Après avoir découvert la mule-jenny, il créa en 1771 une usine à Cromfort (Derbyshire). Il y avait de l'eau pour actionner les machines, mais peu de monde. Il fit venir des familles pauvres, dont les femmes et les enfants travaillaient sur les métiers à tisser 13 heures par jour. En 11 ans, il créa deux autres usines, employant 5 000 personnes et il fut anobli. Son dispositif fut beaucoup copié, et en 1780 il y avait 120 usines, la majorité dans le nord-ouest de l'Angleterre.

En 1800, 80% du coton était tissé mécaniquement avec des «mule» dans le Lancashire. En 1815 : on trouvait en Angleterre 2 500 métiers mécaniques contre 250 000 à bras.

La production fut concentrée dans des manufactures, utilisant une très importante main-d'œuvre dans de mauvaises conditions d'hygiène, d'éclairage, de bruit et de sécurité. L'utilisation de machines à vapeur permit d'installer ces manufactures près des villes, qui devinrent rapidement des villes industrielles. Les ouvriers devaient habiter à proximité de leur lieu de travail, car ils y allaient à pied, leurs journées de travail étaient particulièrement longues et le temps de repos trop court pour qu'il puisse être réduit par un long trajet. Notons que certaines innovations contribuent à la dégradation des conditions de vie et de travail des ouvriers[39]. En effet, la machine à coudre d'Elias Howe en 1846 conduit au maintien du travail à domicile, le domestic system, mais l'intensification de l'industrialisation entraîne l'augmentation des cadences dans la filature si bien que les conditions de vie et de travail dans le textile se dégradent ; c'est le sweating system.
À la lumière des éléments cités, on comprend, en partie, la précocité du Royaume-Uni dans le processus de révolution industrielle.

Métallurgie

En 1708 Abraham Darby, un Quaker qui exploitait une fonderie de cuivre, s'installa à Coalbrookdale dans les gorges de la Severn. Il avait l'intention de réaliser ce qu'aucun maître de forge n'avait réussi jusque là : faire de la fonte en utilisant du coke au lieu du charbon de bois, plus coûteux. Il loua un vieux haut fourneau fonctionnant au charbon de bois au seigneur du lieu.

Le charbon a été exploité particulièrement tôt en Grande-Bretagne. On considère que les moines de Newbattle Abbey ont créé la première mine de charbon d'Écosse au XIIIe siècle, et les mines écossaises produisaient 400 000 tonnes en 1700, 2 000 000 tonnes en 1800. Le coke était fabriqué, précisément comme le charbon de bois, par une combustion incomplète dans des meules. Charbon et coke étaient utilisés à la place du bois, pour le chauffage domestique ou industriel (verreries, tuileries, poteries). La difficulté venait de la teneur en soufre élevée des cokes, rendant la fonte impropre à l'utilisation. Après une année d'expérimentations, en sélectionnant des cokes peu chargés en soufre, il réussit à produire une fonte utilisable. Celle-ci était toujours de qualité médiocre et ne permettait pas d'obtenir du fer. Mais elle était assez bonne pour fabriquer des marmites de cuisine bon marché, des taques de cheminée et d'autres produits analogues. Abraham Darby en vendit dans toute l'Europe, et cela dura 40 ans, jusqu'en 1750.

En 1750, le fils d'Abraham Darby - Abraham Darby II - réussit à obtenir du fer à partir de la fonte au coke, ce qui permit une baisse du prix du fer. En 1779, le petit-fils Abraham Darby III construisit le premier pont métallique, Iron Bridge, sur la Severn, en un lieu appelé depuis Ironbridge. Il fallut trois mois à son haut fourneau pour produire les 384 tonnes de fonte nécessaires. Ironbridge est reconnu comme le berceau de la révolution industrielle. La société Darby cessa son activité en 1818, victime de la crise qui suivit la fin des guerres contre la France et de la concurrence.

Le premier pont métallique réalisé en France fut le pont d'Austerlitz, en 1807 (reconstruit en 1854 à cause de nombreuses fissures).

La fonte, produite par le haut fourneau, est du fer contenant un pourcentage élevé de carbone. En enlevant le carbone, on obtient du fer. Et on obtient de l'acier en ajoutant légèrement de carbone au fer. En 1784, Henry Cort inventa le procédé du puddlage pour obtenir du fer à partir de la fonte - procédé tout à fait décrit par Jules Verne dans son roman Les 500 millions de la Begum. A titre d'exemple, la tour Eiffel est faite en fer puddlé.

Le premier mode de fabrication de l'acier, déjà connu dans l'Antiquité, fut celui de la cémentation, un processus qui visait à chauffer des barres de fer avec charbon de bois dans un four fermé de sorte que la surface du fer acquière une importante teneur en carbone. La méthode dite au creuset originellement développée pour retirer les scories de l'acier issues de la cémentation, sert à fondre ensemble le fer et d'autres substances dans un récipient (le creuset) composé d'argile réfractaire et de graphite. C'est par cette méthode qu'étaient fabriqués les couteaux de Damas et les épées de Tolède, par exemple. L'acier ainsi obtenu revenait à un prix élevé.

En 1842 le marteau pilon a été découvert et a été largement utile.

Suprématie de la Grande-Bretagne dès 1750

En Europe, au XVIIe siècle, l'Angleterre est une exception à plus d'un titre. Elle fait exception sur le plan culturel. Depuis le traité de Westphalie de 1648, qui stabilise la situation en Europe, en consolidant la France, l'Europe du Nord est stable sur le plan religieux, l'anglicanisme s'impose et se rapproche du protestantisme. Cette partie du monde se détache. Le parlementarisme anglais émerge au moment de la Révolution financière britannique. Les conceptions économiques des britanniques prennent une évolution radicale avec le libéralisme d'Adam Smith, qui reconnaît la valeur économique de l'individu, avec des droits à l'époque des Premiers entrepreneurs du coton britannique, dont il décrit et analyse l'émergence.

Le dispositif des corporations disparaît avec la naissance des brevets. Mais l'Angleterre étant une île, elle s'impose une politique maritime ambitieuse. Au XVIIIe siècle, le Royaume-Uni possède une grande flotte maritime, un grand capital technique et économique. L'affrontement franco-anglais est à son paroxysme. Les Anglais dominent la mer, malgré les grands efforts français. L'avance anglaise est technique (chronomètre de marine) et la richesse française se dilue alors dans sa puissance démographique (un Européen sur cinq est alors français).

Empire colonial britannique en 1897.

C'est dans ce contexte que naît la révolution industrielle. Sa précocité en Angleterre pose la question de ses origines. Plusieurs facteurs sont avancés : l'empire colonial, la spécialisation industrielle précoce et la puissance financière.

L'empire britannique

L'Empire colonial britannique est le plus étendu du monde au XIXe siècle avec à peu près 33 millions de km2 pour une population représentant à peu près le quart de la population mondiale totale de l'époque c'est-à-dire 500 millions d'habitants. C'est un Empire énormément plus vaste que celui de la France, tant en superficie (10 millions de km2) qu'en nombre d'habitants (50 millions).

L'inauguration du Crystal Palace à Londres en 1851

Adoptant une stratégie coloniale différente des autres nations, surtout de la France, le Royaume-Uni opte particulièrement tôt pour le libre-échange avec ses colonies mais également avec les autres nations. Le 26 septembre 1786, par exemple, la Grande-Bretagne et la France signent un accord commercial — le traité Eden-Rayneval — rendant la circulation des grains presque libre et interdit l'exportation de machines anglaises et l'émigration d'ouvriers qualifiés britanniques. Cependant le traité principal entre les deux nations est celui du 23 janvier 1860, dit traité Cobden-Chevalier. De tels accords sont soit négociés, comme dans l'exemple précédent, soit obtenus par la force, comme pour l'installation de concessions à Shanghaï en 1842. On s'achemine par conséquent de plus en plus vers la fin d'une politique d'obédience mercantiliste que l'abrogation des corn laws sanctionne définitivement en 1846. La Grande-Bretagne verse alors dans un libre-échange de conception free trade et non, comme c'est le cas aujourd'hui, de conception fair trade. Cependant la Grande Dépression de 1873-1896 pousse à un retour vers des politiques teintées de protectionnisme, par conséquent en repli sur le commerce avec les colonies.

Spécialisation industrielle précoce dès 1750

La dotation factorielle de la Grande-Bretagne est un élément constitutif de sa précocité et de sa supériorité au début de la révolution industrielle.

L'agriculture est sacrifiée au profit de l'industrie ; la part de l'activité agricole dans le PIB de la Grande-Bretagne passe de 20% en 1850 à 6% en 1906. Si en valeur absolue les données restent stables, par contre en valeur relative on voit bien la proportion prise par l'activité industrielle. D'autre part, une telle diminution relative de l'agriculture peut s'expliquer par les effets du libre-échange et le commerce avec les pays «émergents» comme les États-Unis.

L'agriculture sacrifiée, les efforts tournés vers l'industrie, la domination industrielle de la Grande-Bretagne est assurée, au moins pendant une grande partie du XIXe siècle. Ainsi, la production industrielle s'accroît fortement, surtout dans les productions de charbon (qui augmente de 100% entre 1830 et 1845), textile et sidérurgique dans lesquelles se spécialise la Grande-Bretagne. Cette domination s'appuie surtout sur une main-d'œuvre, abondante grâce à l'essor démographique, acquise aux nouvelles méthodes surtout organisationnelles avec la division du travail selon les conceptions d'Adam Smith. Elle s'appuie en outre sur la disponibilité des matières premières, fer et charbon, sur les colonies et sur de nombreuses innovations (cf. 2.4).

On note cependant que l'hégémonie britannique est de plus en plus contestée dans la seconde partie du XIXe siècle, en particulier par les États-Unis et l'Allemagne qui s'industrialisent à une vitesse telle qu'ils rattrapent la Grande-Bretagne. Cela se traduit par une érosion de la balance commerciale dont le déficit passe de 11 millions de £ en 1820 à 140 millions à la fin du XIXe siècle. Cependant, la suprématie financière se substitue à l'hégémonie industrielle et sert à compenser le déficit commercial grâce à des excédents colossaux.

Suprématie financière

La Grande-Bretagne a dominé incontestablement durant toute la première moitié du XIXe siècle. En conséquence, la City, place financière de Londres, est inévitable dans le domaine financier; c'est la place principale en termes de transaction, inévitable pour les reconnaissances de dettes, pour émettre des actions, emprunter etc. Cette situation est d'autant plus forte que la Grande-Bretagne dispose du plus vaste Empire colonial et est principal investisseur à l'étranger (aux alentours de 1860, la Grande-Bretagne représentait à elle-seule 1/5ème de la production mondiale). Qui plus est , on y cote une majorité de matières premières, malgré la concurrence de la bourse de Chicago, et la monnaie de référence pour les échanges internationaux demeure la livre sterling. La suprématie financière de la Grande-Bretagne est accentuée sous le règne de la reine Victoria Ire (1837-1901).

Singularité du cas de la France

Paris en 1869 vue par le peintre Adolph von Menzel

On parle en effet de singularité pour le processus de révolution industrielle car elle ne correspond pas aux modèles établis. Surtout, certains comme Jean Marczewski[40], considèrent que la révolution industrielle fait exception par l'absence d'une phase de take-off (décollage) selon les critères établis par W. W. Rostow. Selon ce dernier toute société suit un processus de croissance en cinq étapes qu'il définit dans Les Étapes de la croissance économique, 1960, dont une est essentielle ; celle du take-off. Cela correspond à un investissement total représentant 10% du PIB total, l'existence de secteurs moteurs, ainsi qu'à un cadre politique et social favorable. La France ne suit pas ce modèle ; le début de la révolution industrielle en France se définit, selon Maurice Lévy-Leboyer, par :

Contexte historique

Les débuts de la révolution industrielle en France sont marqués par les troubles consécutifs aux guerres révolutionnaires et napoléoniennes dont le coût est humain mais également économique ; la France perd son dynamisme démographique. D'autre part, le Blocus continental mis en place par Napoléon Ier en 1806 provoque une perte de débouchés pour les grands ports français, comme Bordeaux, Marseille ou Nantes qui perdent de leur activité et de leur population, partie vers les régions industrielles du Nord-Est . C'est ainsi que le Blocus continental a favorisé une spécialisation industrielle et inversé les pôles de l'industrie en France. Il a de plus accentué la spécialisation commerciale française vers le commerce continental.

De la Révolution, la France a aussi hérité des valeurs du Siècle des Lumières. Ainsi, à la fois teintée de libéralisme et de conception plus «sociales», la France adoptera une voie intermédiaire entre le libéralisme britannique et le protectionnisme allemand.

Importance de l'État

Dès la fin de la Révolution, le pouvoir en place s'empresse de “libérer les forces” du marché par la suppression des corporations (décret d'Allarde, 1791) et l'interdiction de toute coalition (loi Le Chapelier, 1791). D'autre part, la France se dote sous le Consulat d'une monnaie, la “franc germinal” et d'une Banque centrale ; la Banque de France. Cette association autorise la France de retrouver des bases monétaires stables et un dispositif centralisé. Ce dernier a en effet permis de juguler les troubles monétaires, nés des troubles révolutionnaire ; l'émission trop abondante d'assignats ayant entraîné de l'inflation. En outre, le franc germinal se définit par une stabilité tout au long du XIXe siècle. Si la France se dote d'un dispositif monétaire centralisé, c'est qu'elle a hérité de son histoire sa tradition jacobine, c'est à dire centralisatrice.

De surcroît, la France procède à de nombreuses réformes comme la création des lycées donnant la possibilité de la formation d'une élite dans le cadre d'un processus de rationalisation de l'État entamé dès le milieu du XVIIIe siècle avec, par exemple, la création de l'École Royale des Ponts et Chaussées en 1747. Mais la réforme majeure à retenir est celle de l'instauration du Code Civil par Napoléon en 1804. En effet, il encadre le droit de propriété privée, élément essentiel dans le processus de révolution industrielle. Mais il permet aussi de se servir de la propriété privée en définissant le droit contractuel ; la propriété privée est un bien cessible et permet par conséquent l'accumulation. Attention cependant, cela ne veut pas dire que la propriété n'était pas cessible sous l'Ancien régime mais que la propriété n'avait aucune fonction d'accumulation, elle était un symbole social. Elle demeure ce symbole au XIXe siècle mais ajoute la notion d'accumulation.

Puissance agricole et industrielle

De plus, par le biais de lois, l'État se joint à la croissance économique non seulement en la facilitant, mais également en la soutenant. On peut citer par exemple la loi Guizot de 1842 qui facilite l'extension du chemin de fer dont on connaît l'importance dans le processus de révolution industrielle, les grands travaux — travaux du baron Haussmann à Paris, assainissement de zones marécageuses comme les Landes et la Sologne —, le plan Freycinet (1879-1882) pour relancer l'activité économique par le chemin de fer et le perfectionnement des infrastructures, etc. L'Empire colonial français contribue aussi à soutenir l'industrialisation.

Hall d'exposition de l'exposition universelle de Paris en 1900.

L'État est quelquefois à l'origine de négociations facilitant le libre-échange, quelquefois à l'origine de mesures protectionnistes ; on retrouve ici encore la voie intermédiaire choisie par la France, ni particulièrement libérale, ni complètement protectionniste. Dans le premier cas, il établit des accords commerciaux, comme celui de 1786, dit traité Eden-Rayneval, et , en particulier celui de 1860, dit traité Cobden-Chevalier, qui limite les droits sur les produits industriels dans la limite de 25 %. Dans le second cas, il prend des mesures protectionnistes comme l'adoption de la loi Méline en 1892 permettant d'augmenter les droits de douane sur les céréales et la viande en cas de surproduction.

L'agriculture conserve une place énormément plus importante dans l'économie française que dans l'économie britannique à la même époque. Des inventeurs contribuent aux progrès de l'industrie agricole comme André Grusenmeyer. Son importance est telle en France qu'il suffit que l'agriculture prospère pour que la totalité de l'économie s'en trouve perfectionnée. Au contraire, une agriculture qui n'est pas prospère conduit à l'augmentcation des mouvements de crises. L'agriculture est dominée en France par des petits propriétaires, ce qui explique en partie le comportement «malthusien» de la France au XIXe siècle ; faire moins d'enfants permet d'éviter l'émiettement du patrimoine familial.

La France est aussi une puissance industrielle, néanmoins derrière la Grande-Bretagne. Les changements sont plus progressifs qu'en Grande-Bretagne, expression d'un «malthusianisme» caractéristique ; concentration d'entreprises et production de masse sont plus tardives. Qui plus est , l'industrie est dominée par une petite bourgeoisie qui privilégie un marché intérieur peu dynamique.

Puissance financière

Bien que beaucoup derrière la puissance financière de la Grande-Bretagne, le poids de la France en matière financière n'en demeure pas moindre. En effet, la France dispose du plus important stock d'or privé et représente le principal marché financier des gouvernements européens[41]. Les liens entre banques et industries demeurent cependant faibles et marquent une différence avec la Grande-Bretagne. En effet, la France reste frileuse à ce genre de pratique après l'expérience du système de Law. En outre, l'activité bancaire, surtout à la fin du siècle, se définit par une prudence que traduit la doctrine Germain consacrant le cloisonnement des fonctions de la banque.

Deuxième révolution industrielle

Tandis que la production mondiale avait mis 120 ans pour doubler entre 1700 et 1820, la naissance et le développement de nouvelles techniques permettent un doublement en cinquante ans entre 1820 et 1870, puis un nouveau doublement, en quarante ans, entre 1870 et 1910.

Secteurs clés

Électricité

Articles détaillés : L'électricité et Histoire de l'électricité.

Pétrole

Article détaillé : Histoire du pétrole.

Moteur à combustion interne

Article détaillé : Histoire du moteur à explosion.

Automobile

Article détaillé : Histoire de l'automobile.

Chimie

Article détaillé : Histoire de la chimie.

Chemin de fer

Plan de la locomotive Stephenson's Rocket de 1829.

On utilisait depuis 1760 en Angleterre des chemins de fer, sur lesquels les wagons étaient tirés par des chevaux. Comparé aux routes, l'effort de traction est bien inférieur.

En 1804, Richard Trevithick adapta à la traction sur rails une machine à vapeur fabriquée par les Pen-y-darren Ironworks à Merthyr Tydfil : cela permit d'atteindre la vitesse de 5 miles à l'heure (8 km/h) en tirant une charge de 10 tonnes et 70 passagers de Merthyr à Abercynon, sur une distance de 14 km. Mais les rails se cassèrent sous les 5 tonnes de la locomotive, et la machine à vapeur fut réutilisée à poste fixe.

Richard Trevithick est reconnu comme l'inventeur de la traction à vapeur, et a un monument à Merthyr (Carmarthenshire, Pays de Galles).

La première locomotive à vapeur utilisée en usage régulier fut celle de l'ingénieur George Stephenson. Ce dernier fabriqua et breveta sa première locomotive en 1815.

Peinture d'Hans Baluschek de 1904

Chargé de construire une voie ferrée pour transporter le charbon de Liverpool à Stockton en Angleterre, Stephenson convainquit les propriétaires des mines de le financer pour construire une locomotive. Ce fut la «Locomotion», dont la première utilisation eut lieu le 25 septembre 1825. Elle eut à tirer 20 wagons de voyageurs et 10 bennes de charbon. Un cavalier portant un drapeau galopait devant la «Locomotion». Stephenson ordonna au cavalier de s'écarter, et on put constater que le train allait plus vite qu'un homme à cheval.

Il fallut cependant des années pour que la traction à vapeur soit suffisamment fiable pour qu'on puisse lui faire transporter des passagers. En 1830 Robert Stephenson, le jeune fils de Georges créa la première ligne de chemin de fer moderne : Manchester — Liverpool. Elle était constituée d'une voie double sur toute sa longueur et offrait pour la première fois des horaires fixes aux voyageurs.

La première ligne de voyageurs en Europe continentale est ouverte le 1er avril 1831 en France, sur une section entre Saint-Étienne et Lyon. Durant l'année les recettes de passagers payants s'élèveront à 10 000 Francs (115 000 Francs dès 1932). [42]

Pour tout autant, la première ligne d'Europe continentale date du 30 juin 1827, il s'agit de la ligne Saint-Étienne-Andrézieux, mais elle se limite les premiers temps au transport du charbon. C'est le 1 mars 1832 que la ligne enregistre ses premiers passagers payant (36 500 personnes en 1834).

Sidérurgie

Représentation d'un atelier avec deux convertisseurs Bessemer avec leur forme caractéristique en cornue.

Il fallait de plus en plus d'acier avec le développement de la révolution industrielle : rails de chemin de fer, éléments de machines à vapeur, pièces de machines textiles, coques de bateaux etc. Ce fut l'Anglais Henry Bessemer qui trouva la solution, avec son convertisseur breveté en 1856. C'est une cornue de grande taille, à parois réfractaires, qu'on remplit de fonte en fusion. On envoie alors par le fond de l'air comprimé, qui fait brûler le carbone en produisant un spectaculaire jaillissement d'étincelles. Après 20 minutes, le convertisseur contient du fer ; on y introduit alors une quantité précise de carbone qui, après quelques minutes de mélange, donne l'acier correspondant aux spécifications. Il ne reste plus qu'à incliner le convertisseur sur ses pivots pour le vider dans une lingotière. Ce procédé permettait de convertir en une demi-heure 10 tonnes de fonte en tout autant d'acier ; consécutivement le prix de l'acier doux passa de 50£ la tonne à 3£.

États-Unis

Territoires

American Progress. Représentation de la conquête de l'Ouest américain en 1872 par John Gast
Article détaillé : Conquête de l'Ouest.

L'expansion du territoire des États-Unis tout au long du XIXe siècle contribue à développer l'industrie des chemins de fer. Ainsi, les États-Unis achètent la Louisiane à la France en 1803 et la Floride à l'Espagne en 1819. Les États-Unis prennent le Nouveau-Mexique et la Californie au Mexique après la guerre de 1848 et la République du Texas, indépendante, décide son rattachement à l'Union en 1845. Qui plus est , la forte démographie dans l'Oregon entraîne une augmentation de la population américaine comparé à la population britannique et l'Oregon de devenir un État américain en 1845. Une fois conquis, ces territoires font l'objet d'une politique de peuplement. L'«Ordonnance du Nord-Ouest» (Northwest Ordinance) adoptée par le Congrès continental le 13 juillet 1787 prévoit, entre autres, que le territoire du Nord-Ouest , formant jusque là une seule entité, soit divisé en plusieurs États et le Homestead Act de 1862 donne des terres aux colons après 5 ans de mise en valeur.

Ce déplacement de la frontière vers l'Ouest contribue fortement à développer les chemins de fer. Dès 1869 la liaison San Francisco-New York est achevée est relie les côtes Est et Ouest en moins de 7 jours contre 6 mois jusque là. En 1870, le réseau ferré américain représente 85 100 km, en 1913, 420 000 km soit le tiers du réseau mondial. On comprend qu'un tel développement a eu des conséquences directes sur l'économie américaine et sur son industrialisation grâce à des effets d'entraînement sur l'activité industrielle. A titre d'exemple, l'extension du chemin de fer entraîne le dynamisme des activités sidérurgiques. Qui plus est , le financement de ces travaux colossaux entraîne le développement des activités boursières. Enfin, l'urbanisation se développe au gré de l'industrialisation. Cependant, certains historiens de l'économie contestent le rôle majeur qu'aurait exercé le chemin de fer sur l'industrialisation des États-Unis. Ainsi Robert William Fogel estime-t-il que l'impact du chemin de fer sur la croissance est inférieur à 5%[43]. Il s'agit, néanmoins, d'une approche contestée.

D'autre part, c'est un territoire riche en matières premières. Voici surtout la présence de pétrole dont l'exploitation a permis aux États-Unis de prendre part particulièrement beaucoup à la seconde révolution industrielle. En effet, il est fréquemment reconnu que le premier puits de pétrole a été creusé sous la direction d'Edwin Drake à Titusville, Pennsylvanie, en 1859. Cela préfigure la domination américaine dans le domaine de la production pétrolière. On retiendra l'hégémonie de la Standard Oil de John D. Rockefeller dont le monopole sera incontestable jusqu'à ce que la compagnie tombe sous la juridiction du Sherman Antitrust Act où elle a été divisée en plusieurs compagnies de moindre taille. Ajoutons en guise de remarque que plusieurs de ces petites compagnies grossiront au point de devenir les plus grosses compagnies pétrolières actuelles comme Exxon Mobil.

Raffinerie de la Standard Oil à Cleveland, Ohio, 1899.

C'est de plus un territoire qui contribue au développement ainsi qu'à la puissance de l'agriculture américaine. En effet, l'agriculture bénéficie de vastes territoires exploités grâce aux progrès de la mécanisation ; la première moissonneuse mécanique est découverte par Neil Mac Cormick en 1831. Qui plus est , l'agriculture peut s'appuyer sur la diversité du territoire américain. Le Sud se spécialise ainsi dans la culture et l'Ouest dans l'élevage dont la production est aisément acheminée vers les ports d'exportation par les infrastructures et surtout le chemin de fer. En outre, la main-d'œuvre bon marché que forme l'esclavage est un élément déterminant de la puissance agricole américaine au point que l'historien Robert Fogel[44] le considère comme élément déterminant de la prospérité du Sud. Sur le plan extérieur, l'agriculture bénéficie des avantages du libre-échange, surtout de l'abolition des corn laws en 1846.

Appliquée aux nouvelles méthodes de production, cette diversification des activités contribue à établir la puissance des États-Unis surtout lors de la seconde révolution industrielle. L'industrialisation, débutée au milieu du XIXe siècle devait alors être le facteur de la puissance américaine.
Après avoir atteint l'optimum de leur production domestique, l'enjeu devint pour les États-Unis la sécurisation des approvisionnements internationaux : lire l'article géopolitique du pétrole.

Démographie

Les États-Unis connaissent un essor démographique particulièrement remarquable. Cet essor est entretenu d'une part par la croissance naturelle et d'autre part par d'important flux migratoires. La population des États-Unis croît de 25% par décennie entre 1860 et 1890 si quoiqu'en 1880 les États-Unis comptent 50 millions d'habitants et en 1918 100 millions. L'immigration nourrit beaucoup la croissance démographique ; les flux migratoires ont apporté 36 millions de personnes entre 1820 et 1920.

De surcroît, la majorité des flux migratoires provient du Royaume-Uni et d'Irlande mais également des pays scandinaves. Ainsi, les immigrés qui débarquent aux États-Unis sont fréquemment de religion protestante. Rappelons ici toute l'importance de l'éthique protestante en nous basant sur les travaux de Max Weber. En outre, on peut baser l'analyse de l'industrialisation américaine à partir des caractéristiques de la société américaine ; c'est une société méritocratique comme l'analyse Alexis de Tocqueville dans De la démocratie en Amérique, 1835-1840.

Tournant de la Guerre de Sécession

Avant la guerre de Sécession (1861-1865) la montée en puissance des États-Unis s'appuie en particulier sur ses activités agricoles à tel point que l'agriculture demeure l'activité principale jusqu'en 1880; en 1890 l'agriculture représente toujours 75% des exportations américaines. Mais la Guerre de Sécession change quelque peu la donne. En effet, la Guerre de Sécession n'est pas qu'une guerre politique qui s'inscrit uniquement dans la question de l'esclavagisme. Elle est aussi une guerre issue des rivalités économiques entre le Sud — conservateur, agricole et favorable au libre-échange — et le Nord — ouvert aux idées nouvellement venues d'Europe, en cours d'industrialisation rapide et favorable au protectionnisme selon la pensée d'Alexander Hamilton, de la théorie du «protectionnisme éducateur» de Friedrich List[45] et de celles de Henry C. Carey. Donc, la victoire du Nord consacre l'évolution de l'industrialisation dont le financement est en partie favorisé par l'inflation durant la guerre.

Allemagne

Carte de l'industrie et des mines en Allemagne en 1892
Industrie textile     Coton     Laine     Lin cultivé     SoieIndustrie métalurgique     Houille     Lignite     Argent     Cuivre     Fer     Zinc

L'industrialisation de l'Allemagne commence au même moment qu'aux États-Unis c'est-à-dire au milieu du XIXe siècle. Elle dispose aussi d'un important potentiel industriel, agricole et humain.

L'unification pour s'industrialiser

La particularité de l'Allemagne, c'est qu'elle n'existe pas au début du siècle. À la suite du Congrès de Vienne en 1815, la Confédération allemande regroupe 39 États dont l'unité se construit autour de la langue mais également du Zollverein à partir de 1834. Le Zollverein est une union douanière qui met en place une zone de libre-échange à l'intérieur et qui établit des tarifs extérieurs commun (TEC) à l'extérieur. De plus en 1857, le thaler prussien devient la monnaie de la zone puis est remplacé par le Mark en 1871. Parallèlement la Reichbank voit le jour en 1875. L'Allemagne adopte de ce point de vue une position protectionniste qui contraste avec la position britannique.

Puissance industrielle

Zeche Mittelfeld Ilmenau.jpg

Le démarrage de l'industrialisation est lent à cause de la disparité entre bassins industriels ; ceux de l'Est sont bien moins performants que ceux de l'Ouest comme la Ruhr. Qui plus est , l'Allemagne présente un retard technologique qui la rend dépendante de la Grande-Bretagne mais également de la France. L'annexion de l'Alsace et de la Moselle accroît son potentiel industriel.

La montée en puissance de l'industrialisation est appuyée d'une part par la tradition marchande du Nord de l'Allemagne et par le soutien qu'apporte l'État. En effet, il existe une réelle tradition dans le domaine du commerce grâce aux ports du Nord, hérités de l'activité portuaire de la Hanse dès le XIIIe siècle.

L'État joue un rôle essentiel, en facilitant l'extension du chemin de fer qui favorise l'unification de la Confédération allemande. Il a en outre favorisé la constitution de grandes entreprises — les Konzerne — et permet leur développement par le biais de mesures protectionnistes. Qui plus est , l'État allemand supporte la formation professionnelle.

Dessin d'une batteuse datant de 1881.

L'Allemagne est le premier pays à se doter d'une forme de protection sociale. En effet, la très forte concentration ouvrière émanant de l'industrialisation commence à soulever des critiques quant aux conditions de vie et de travail. C'est par conséquent dans l'objectif de contrer le marxisme qu'Otto Von Bismarck décide de mettre en place les premières lois sociales. Dès 1883 une assurance maladie est créée, suivie en 1884 d'une protection contre les accidents du travail et enfin en 1889, création d'une assurance vieillesse.

Ces éléments autorisent l'Allemagne de s'industrialiser rapidement à partir des années 1850 et plus toujours après 1870 où les konzerns prennent une place essentielle dans l'activité industrielle.

Agriculture

Les autres activités demeurent importantes mais restent secondaires comparé à l'industrie. La production agricole croît tout au long du siècle ; les junkers, propriétaires fonciers, sont politiquement conservateurs, économiquement innovateurs. Les innovations en matière agricole sont de plus de plus nombreuses après 1850 et complètent les innovations importées de Grande-Bretagne. La spécialisation allemande dans la chimie lui confère un rôle de premier ordre dans la recherche d'engrais ; les recherches de Justus von Liebig dès 1840 sont fondateurs.

Faiblesse financière

Le financement de l'industrialisation s'appuie moins sur les capitaux boursiers qu'en Grande-Bretagne. La spécificité allemande est que le financement s'inscrit plutôt dans le cadre d'investissements à long terme grâce aux liens étroits entre banques et entreprises. Michel Albert[46] montre que cette particularité allemande est caractéristique de son capitalisme contemporain, le capitalisme rhénan.

L'autre spécificité financière de l'Allemagne est la concentration des capitaux vers son territoire national. En effet, les capitaux allemands sont assez peu conçus pour l'étranger ; on note cependant des investissements importants dans l'Empire ottoman. Cette utilisation des capitaux s'inscrit dans la vision de l'économie nationale en Allemagne ; l'économie réelle — l'industrie — c'est-à-dire la puissance économique doit coïncider avec la puissance nationale. On voit bien la divergence avec la conception britannique.

Le Japon

Une ouverture économique contrainte

Le Japon est un pays vieux de plusieurs millénaires mais son ouverture sur l'extérieur est tardive ; le Japon demeure dans une autarcie politique et économique (sakoku). Son ouverture sur l'extérieur ne participe pas d'un choix délibéré mais le Japon y a été contraint. En effet, l'amiral américain Matthew Perry entre en baie de Tokyo en 1853 et impose au Japon l'ouverture par le traité de Kanagawa en 1854, traité asymétrique au désavantage du Japon. L'ouverture économique du Japon de l'ère Meiji est par conséquent le résultat de ce qu'on nomme la diplomatie ou politique de la canonnière.

L'ère Meiji (1868-1912)

Un train entrant en gare à Kobe
Article détaillé : ère Meiji.

En 1868, l'empereur Mutsuhito renverse le shogun et entraîne le Japon dans la révolution industrielle. Dès les années 1870, le Japon connaît un processus de croissance et de développement, soutenu par l'intervention de l'État. Ce dernier met en place les structures correctes pour faciliter l'industrialisation. En effet, il initie la mise en place de chemin de fer et crée des entreprises nouvelles. Une fois consolidées par l'État, ces entreprises sont privatisées et passent sous le contrôle de grandes familles japonaises ; c'est l'apparition des zaibatsus dont les plus connues sont Mitsui, Mitsubishi et Sumitomo. Celles-ci prennent alors la forme de sociétés par actions. Pour accompagner ces évolutions, le Japon met en place des institutions nouvelles ; création du yen (1871), de la Bourse (1878), de la Banque centrale du Japon (1882) et se dote de diverses mesures législatives encadrant le développement économique.

L'industrialisation du Japon va de pair avec son développement agricole. Ce dernier se définit par une rupture d'avec le régime féodal ; les terres détenues par les daimyos et les samouraïs sont confisquées puis redistribuées aux paysans. Ces terres, allouées aux paysans, sont une source importante de rentrées fiscales pour l'État, qui s'en sert pour financer le développement industriel. L'agriculture se développe d'autant plus qu'elle se diversifie par l'utilisation des terres au nord de Japon, surtout en Hokkaïdo. L'agriculture est par conséquent un facteur décisif de l'industrialisation du Japon non seulement parce qu'elle génère des revenus pour l'État mais également parce qu'elle contribue à diminuer la contrainte extérieure du Japon, particulièrement fortement dépendant de matières premières dont il est peu pourvu.

Au final, le Japon connaît un fort développement économique, son taux de croissance est supérieur à celui de l'Allemagne bien que inférieur à celui des États-Unis, le commerce extérieur augmente fortement mais aussi sa production industrielle. En outre, la population japonaise passe d'environ 30 millions en 1860 à 50 millions au début du XXe siècle.

La Russie

Les réformes agraires

La Russie est le dernier des pays de la seconde vague à s'industrialiser. L'archaïsme de son agriculture, même après avoir été réformée, a nourri son retard industriel. Cependant, on ne peut penser le démarrage industriel sans, entre autres, le développement agricole. Après la défaite russe lors de la guerre de Crimée les dirigeants russes, en premier lieu le tsar Alexandre II, ont pris conscience du retard économique et social de leur pays. Dans ce contexte, s'engage la réforme agricole, précédée de l'émancipation générale des paysans avec l'abolition du servage le 3 mars 1861. La réforme met en place des communautés villageoises — nommées obshchina ou mir — dans le cadre desquelles les paysans devaient payer des indemnités pour les terres qu'ont leur attribuait. Ces caractéristiques expliquent l'échec de la réforme, la modernisation et le développement de l'agriculture n'étant pas à la hauteur des espérances. Cependant, la Russie ne consentit pas davantage, tout d'abord, à faire évoluer son agriculture. En effet, cette dernière suffisait à faire vivre le pays grâce à ses exportations et les grands propriétaires bloquaient toute évolution. Pourtant, la Russie doit s'engager de fait, dès 1906, dans une nouvelle réforme agricole à cause de la chute des cours sur les marchés des céréales et les famines de 1891-1892 et 1902. Piotr Stolypine conduit cette réforme qui aboutit à la suppression du régime des communautés, c'est-à-dire des mirs. Cependant, les efforts menés seront stoppés avec le début de la Première Guerre mondiale en 1914 et la révolution de 1917. Au final, la Russie ne sera pas parvenue à hisser son industrie au niveau de celles des grands pays européens, des États-Unis ou même du Japon, contre qui la Russie perd la guerre qui les oppose en 1905. Cependant, cela ne veut pas dire que la Russie ne s'est absolument pas industrialisée.

L'industrialisation

Réparation d'une ligne de chemin de fer, peinture de (en) Konstantin Savitsky exécutée en 1874.

À la fin du XIXe siècle, la Russie est un pays en retard mais son industrialisation sera le fait d'un changement politique et profitera de l'avancée des autres grands pays. En premier lieu, la réforme agricole des années 1860 accroît les rentrées fiscales de l'État, en taxant les paysans, lui servant à financer la construction de routes, d'industries mais également de chemins de fer, comme le transsibérien et le transcaspien. La carence en infrastructures de transport était apparue après la défaite en Crimée, l'armée russe ne parvenant pas à acheminer suffisamment de soldats sur le front. D'autre part, l'État fait appel à des industriels étrangers pour développer son industrie en bénéficiant des dernières innovations techniques. Voici, à titre d'exemple, le rôle de l'anglais John Hughes qui en 1869 fonde la «Nouvelle Société russe» pour construire des hauts fourneaux dans la région de Donetz. Le rôle de l'État est essentiel dans l'industrialisation de la Russie ; pour Alexander Gerschenkron l'État, en se substituant au marché, a permis de dépasser les obstacles liés aux structures économiques et sociales du pays[47]. Il faut, en outre, souligner le rôle important des capitaux étrangers, surtout français et britanniques. Ainsi, l'industrialisation de la Russie s'accélère dans les années 1880-1890, surtout au bénéfice de l'armée impériale et de sa marine (lire Complexe militaro-industriel de la Russie#Sous la Russie impériale).

La société industrielle

Cette révolution industrielle s'est manifestée dans le domaine économique, mais elle n'en a pas moins transformée le domaine social. Cet aspect de la nouvelle société industrielle a essentiellement été étudié par Karl Marx. Selon K. Marx, la société industrielle succède à la société féodale, et joue un rôle historique essentiel comme elle affirme le capitalisme et fait émerger le prolétariat.

Évolution de la structure sociale

On pourra se rapporter au livre d'Olivier Marchand et Claude Thélot, Le Travail en France (1800-2000) , 1997, pour obtenir des données statistiques fiables quant à l'évolution de la structure sociale de la France depuis 1800.

Plan de tracteur à vapeur de 1895.

Un déclin agricole dès le milieu du XIXe siècle

La population agricole continue de croître jusqu'en 1846 et rassemble 9, 3 millions d'agriculteurs, selon les séries statistiques étudiées par Olivier Marchand et Claude Thélot dans Le Travail en France (1800-2000) , 1997.

Selon les mêmes auteurs, la diminution de la population agricole est due aux conséquences du traité de libre-échange franco-britannique de 1860, aux difficultés liées aux phylloxera ainsi qu'à la structure trop petite des exploitations, ainsi qu'à la faiblesse des investissements.

Exode rural et urbanisation

Dans une certaine mesure, l'enclosure des terrains agricoles a contraint de nombreux paysans à quitter les champs pour les usines, contribuant ainsi à nourrir la croissance urbaine. D'autre part, la mécanisation de l'agriculture a permis d'accroître des gains de productivité libérant de la main-d'œuvre pour l'industrie. D'autre part, le départ vers les usines était perçu comme une opportunité de perfectionner les conditions de vie. Cependant, l'exode rural n'est pas l'unique cause de l'urbanisation.

L'industrialisation a en premier lieu contribué à l'urbanisation par la création d'usines, elles-mêmes provoquant l'installation de nombreux ouvriers et par conséquent la constitution d'une véritable ville. C'est par exemple le cas du Creusot ou de Roubaix, ou bien de villes à la périphérie de Paris comme Saint-Denis. En outre, les usines ont attiré une main-d'œuvre nombreuse en installant directement dans les villes ou leurs périphéries proches. En effet, les usines bénéficiaient ainsi d'infrastructures de transports performantes tout en étant proches d'un vaste marché de consommation.

L'urbanisation a aussi contribué à des évolutions sociales importantes. C'est , en effet, le début du développement de l'habitat collectif, des premières politiques d'aménagement urbain — mise en place de moyens de transports comme le métro à la fin du XIXe siècle et aménagements urbains comme les travaux effectués à Paris par le baron Haussmann —...

La bourgeoisie triomphante

La Révolution de 1789 marque le triomphe d'une bourgeoisie, dont le pouvoir au sein de la société avait commencé à croître dès le règne de Louis XIV pour devenir majeur au cours du XIXe siècle. Dans un premier temps, une partie de cette bourgeoisie joue un rôle décisif au cours du processus d'industrialisation car dispose de ressources financières. Cela est toujours plus vrai pour le deuxième XIXe siècle au cours duquel les investissements nécessaires représentent des sommes de plus en plus importantes. Cependant, une partie de cette bourgeoisie demeure passive comparé à la révolution industrielle, vivant de rentes issues de son patrimoine; ce sont les rentiers, en particulier nombreux en France.

Tout au long du XIXe siècle, le nombre de cette bourgeoisie s'accroît et représente une grande partie de la société. La grande bourgeoisie, à la tête d'entreprises industrielles, et la petite bourgeoisie, les petits commerçants, pèsent un poids conséquent dans la société[48]. D'autre part, hormis son rôle économique et sociale, la bourgeoisie est de plus en plus présente politiquement. En France, cette présence politique est entretenue par la formation de la bourgeoisie dans des écoles, comme l'école des Hautes Études Commerciales (HEC) crée en 1881, dont elle a seule, au XIXe siècle, accès. Cela contribue à la formation d'un corps de hauts fonctionnaires ou, de ce que Pierre Bourdieu appellera, une «noblesse d'État»[49].

La constitution du prolétariat

Le travail en usine vers la fin du XIXe siècle représenté par Adolph von Menzel (1872-1875)

Fréquemment associé au monde ouvrier, le prolétariat relève en fait d'une réalité plus complexe. Si on retient de Karl Marx son analyse économique de la société en deux catégories, les capitalistes et les prolétaires[50], on oublie quelquefois que Karl Marx avait déjà compris la complexité de la société et du prolétariat au XIXe siècle. En effet, Karl Marx distingue au sein de la société, l'aristocratie financière, la bourgeoisie industrielle, la petite bourgeoisie, la classe ouvrière, le «lumpen prolétariat» («prolétariat en haillons») et la paysannerie parcellaire[51]. D'autre part, Marx voit dans le prolétariat une classe contrainte de vendre sa force de travail aux capitalistes, que Marx accuse d'entretenir une situation favorable au développement de cette «armée industrielle de réserve». Pour comprendre la notion d'exploitation dont parle Marx, il faut revenir à sa conception de la valeur. Il distingue, en effet, valeur d'usage et valeur d'échange ; pour pouvoir réaliser une «plus-value», le capitaliste doit contraindre les prolétaires au «surtravail», d'autant plus que le capitaliste est confronté à une «baisse tendancielle du taux de profit».

En outre, on ne peut véritablement parler d'une classe ouvrière assez homogène qu'à partir du dernier quart du XIXe siècle. En effet, on retrouve, en particulier au début du XIXe siècle, des ouvriers spécialisés que sont les artisans, des ouvriers issus de l'industrie rurale, surtout en France, et le prolétariat des manufactures puis des usines. Cette dernière catégorie d'ouvrier demeure minoritaire jusqu'au milieu du XIXe siècle. Par la suite, consécutivement à la modernisation ainsi qu'à la concentration des usines, le nombre d'ouvriers de la petite industrie rurale et d'artisans devient plus faible. Ce n'est par conséquent qu'après 1870-1880 que les ouvriers d'usines forment une classe sociale homogène même si l'historien britannique Edward Palmer Thompson a mis en évidence qu'en Angleterre tout au moins, la classe ouvrière s'est constituée au cours de la première moitié du XIXe siècle. Il précise que «pour la majorité des travailleurs, l'expérience principale de la révolution industrielle fut vécue comme une transformation dans la nature et l'intensité de l'exploitation[52]».

Représentation d'une cité industrielle vers 1870 par Gustave Doré.

Vers 1930, les ouvriers représentent toujours près de 33 % de la population active occidentale. Les salaires sont peu élevés (5 F par jour en France de 1900 à 1914) et la nourriture absorbe une grande partie des revenus (jusqu'à 60 %). Ainsi, chez les ouvriers, toute la famille travaille : hommes, femmes et enfants. Les journées de travail sont particulièrement longues, de 12 à 15 heures en moyenne jusque vers 1860, avec de rares pauses. Le chômage est habituel du fait des licenciements abusifs et de l'importance numérique de la population active. Il s'accroît nettement lors des périodes de crises économiques. Leurs logements sont insalubres, la nourriture est déséquilibrée et de mauvaise qualité, ce qui génère la sous-alimentation, le rachitisme et le développement de maladies (choléra, tuberculose) alors que le manque d'espoir pousse à l'alcoolisme[53]. Les accidents du travail, liés à la fatigue, à la pénibilité, aux complexes conditions de travail sont habituels (22 pour 10 000 en France, 41 pour 10 000 aux États-Unis entre 1871 et 1875).

Evolution du monde du travail

La rationalisation du processus productif

Les précurseurs : Frédéric Japy et Adam Smith
Fabrication des épingles, planche de l'Encyclopédie.

Afin d'accroître la productivité du travail, les économistes repensent toute l'organisation du processus productif. Cette recherche de l'efficacité optimale se fait par des méthodes rigoureuses et donnent naissance à l'Organisation scientifique du travail (O. S. T. ), pensée par Frederick Winslow Taylor [54].

En s'inspirant de l'exemple de la fabrication d'épingles, Adam Smith décrit en 1776 l'efficacité de la division du travail en tâches simples[55]. Cela annonce le début de la spécialisation des ouvriers et du travail à la chaîne.

Frédéric Japy fonde en 1771 sa propre produit d'ébauches à Beaucourt, la première de l'histoire en territoire français. La fabrication de pièces pour l'industrie horlogère était, du temps de Japy, le fait d'ouvriers spécialisés œuvrant à domicile, et fournissant chacun un type particulièrement spécifique de pièce. L'organisation de la produit de montres Japy fut sur ce point innovante, Frédéric Japy comprenant ses ouvriers dans une usine à part de la ville. Avec une conception et une utilisation de machines conçues pour la production en série, Japy augmente à faible coût les cadences de production tout en réduisant la main d'œuvre indispensable. Frédéric Japy implantera dans la manufacture, bien avant d'autres, les lois dites du Taylorisme et du Fordisme.

Frédéric Japy (1749-1812)

Il dépose en 1799 les brevets de dix machines révolutionnaires, dont une machine à tailler les roues, une machine à fendre les vis, un tour pour tourner les platines des montres. Il insiste dans ses descriptions sur le fait que ses machines peuvent être actionnées aisément par des infirmes ou des enfants. Son inventivité technique ne s'arrêtant pas à son cœur de métier, Frédéric Japy inventera en outre un modèle de pompe rotative toujours en usage aujourd'hui.

Quand Frédéric Japy installe sa produit à Beaucourt, les montres sont toujours fabriquées selon le dispositif de l'établissage : le fabricant achète l'ensemble des ébauches nécessaires et les assemble lui-même. Ainsi 150 ouvriers en moyenne interviennent pour réaliser le produit fini en se cantonnant chacun à une opération bien spécifique. Mais Frédéric Japy a déjà fait l'expérience d'un matériel bien plus novateur. Ainsi, il passe rapidement commande à Jeanneret-Gris d'une série de dix machines différentes qui lui permettent de concevoir les 83 pièces de l'ébauche. Un dispositif productif spécifiquement novateur est par conséquent en place : l'utilisation de la machine-outil lui permet d'embaucher des ouvriers non qualifiés, des femmes, des vieillards… Grâce à cette nouvelle division du travail, il est désormais envisageable de produire les ébauches en série et dans un atelier unique. Ces machines «infernales» imposent une concurrence particulièrement rude à n'importe qui artisanal et corporatif de l'horlogerie : une ébauche de montre vendue à 7, 50 F en 1793 sort à 2, 50 F des ateliers beaucourtois. Immédiatement, cette concurrence génère la fermeture de nombreux ateliers jurassiens mais elle agit aussi en Suisse où la manufacture Japy écoule 91, 3 % de sa production. Ce faisant, Frédéric Japy impose la machine-outil comme mode de production et se pose comme le principal initiateur de la fabrication mécanique de montres. Cette technicité Japy correspond sans conteste à l'un des trois changements techniques nécessaires au démarrage de la révolution industrielle : la substitution de l'invention mécanique aux talents humains.

Les théoriciens : Frederick Taylor & Henry Ford

C'est Frederick Winslow Taylor, initiateur du taylorisme, qui vers 1900 continue la réflexion sur la rationalisation du processus productif. Il préconise la parcellisation des tâches pour les ouvriers et les employés qui doivent devenir de simples exécutants. Il apporte l'idée du chronométrage des tâches simplifiées (les gestes sont décomposés au maximum) des ouvriers, pour diminuer leurs mouvements au minimum, la «flânerie systématique» des ouvriers et de définir des cadences de travail pour avoir une régularité de la production. Henry Ford, début XXe siècle, avec le fordisme, introduit le tapis roulant dans les chaînes de montage, pour acheminer les pièces et éviter les déplacements inutiles des ouvriers spécialisés.

Une ligne de montage aux usines Ford en 1913 en Amérique.

Cette nouvelle organisation du travail n'est pas sans conséquence sur les travailleurs, Karl Marx la décrit comme conduisant à l'aliénation du prolétaire, qui n'est plus qu'un maillon d'une chaîne de production : «C'est une simple machine à produire la richesse pour autrui, écrasée physiquement et abrutie intellectuellement.» Plus tard Georges Friedmann qualifiera cette organisation du travail de «travail en miette»[56]. Ouvriers et syndicats ont fréquemment contesté ces méthodes de travail.

Mécanicien œuvrant sur une pompe à vapeur, Lewis Hine, 1920.

Karl Marx met en évidence l'existence de l'armée de réserve de travailleurs, une réserve de travailleurs au chômage permettant aux capitalistes de disposer de mains d'œuvre et de maintenir les salaires au plus bas en faisant massivement appel aux femmes ainsi qu'aux enfants dans les fabriques. Et l'historien Edward Palmer Thompson précise : «Certains historiens économiques semblent peu désireux [... ] de reconnaître cette évidence : l'innovation technologique, au cours de la révolution industrielle et jusqu'à l'époque du chemin de fer, évinça (sauf dans les industries métallurgiques) la main d'œuvre qualifiée adulte[57]

Certains travailleurs perçoivent la machine comme directement responsable du chômage, et on voit naitre des mouvements de briseurs de machines comme en Angleterre en 1811-1812 avec les Luddites.

Le travail des enfants

voir la partie concernant la révolution industrielle de l'article sur le travail des enfants

Évolutions politiques des sociétés industrialisées

L'évolution du rôle de l'État

Dès la fin du XVIe siècle, le mercantilisme défend les conceptions d'une «économie au service du prince». L'État intervient alors dans l'économie comme avec la mise en place de manufactures royales. Cependant, cette intervention de l'État est , en premier lieu, mise au service de la guerre[58] et ne répond pas à d'autres objectifs. Le triomphe de la physiocratie au XVIIIe siècle puis du libéralisme au XIXe siècle diminué l'importance des interventions de l'État au sein de l'économie. D'ailleurs c'est bien au XIXe siècle, précisément en 1834 et 1929, que Karl Polanyi estime que le marché est autorégulé, c'est-à-dire avec une intervention particulièrement restreinte de l'État.

Cependant, marché autorégulé ne veut pas dire pour tout autant absence de toute forme d'intervention de l'État[59]. D'autre part, il faut nuancer l'idée selon laquelle le triomphe du libéralisme au XIXe siècle a conduit à l'absence de toute intervention de l'État, d'autant plus que certains libéraux comme Léon Walras défendent l'intervention publique dans certains domaines comme la propriété du sol[60].

Economiquement, les États s'engagent financièrement dans le processus de révolution industrielle. Ils initient, en effet, une politique active pour mettre en place un environnement favorable au développement économique en aménageant leur territoire : grands travaux à Paris sous la direction du baron Haussmann, aménagement de villes de province, création de villes nouvelles en Angleterre, travaux d'assainissement — en Sologne, par exemple —... Qui plus est , ils contribuent à mettre en place des infrastructures de transport modernes : plan Freycinet dès 1878 en France, construction de métro ou tramway... D'autre part, si le libéralisme a été particulièrement influent sur l'orientation donnée au commerce extérieur en imposant le libre-échange — abolition des corn laws en 1846 et du Navigation act en 1849 en Angleterre, signature du traité franco-britannique de libre-échange en 1860... —, les États n'hésitent pas à intervenir directement quand les difficultés économiques les y contraignent. Ainsi, avec les difficultés générées par la Grande Dépression les États interviennent en revennant au protectionnisme : loi Méline de 1892 et «loi du cadenas» de 1897 en France, tarifs Mac Kinley en 1890 et Dingley en 1897 aux États-Unis, mise en place de législations anti-trusts, surtout aux États-Unis avec les Sherman Act de 1890 et Clayton Act de 1913. En réalité, le degré de protectionnisme et d'intervention de l'État dépend de chaque pays. L'Allemagne demeure fidèle au «protectionnisme éducateur» de Friedrich List[45], les États-Unis demeure dans un isolationnisme, tel qu'il est défini par la doctrine Monrœ[61], justifiant le protectionnisme alors que le Royaume-Uni opte pour le libéralisme et que la France adopte une voie intermédiaire.

Fait nouveau au XIXe siècle, l'intervention de l'État couvre au domaine social sous l'effet conjugué d'une évolution de la pensée politique et de la mobilisation des syndicats. L'État inaugure alors un rôle qui, jusque là, était surtout le fait des paroisses ; c'était le cas des poor laws en Angleterre. Les premières mesures sociales peuvent être datées du début du XIXe siècle en Angleterre, terre du libéralisme. En effet, dès 1815 Robert Owen est à l'origine d'une loi pour limiter le travail des enfants qu'il fera contrôler par des inspecteur du travail en 1833. Par la suite, l'Angleterre limite la durée du travail des femmes en 1847. En France, une première tentative de législation sociale concerne aussi le travail des enfants avec la loi du 22 mars 1841 à l'initiative de Laurent Cunin-Gridaine. Cependant, les mesures principales au niveau social viennent de Prusse ; Bismarck met en place en 1883 une assurance-maladie, en 1884 un dispositif pour prémunir les travailleurs contre les accidents du travail et en 1889 une assurance-vieillesse. À la fin du XIXe siècle certains auteurs commencent à évoquer la notion de service public que le juriste Léon Duguit définissait comme «toute activité dont l'accomplissement doit être assuré, réglé et contrôlé par les gouvernants, parce que l'accomplissement de cette activité est indispensable à la réalisation et au développement de l'interdépendance sociale, et qu'elle est de telle nature qu'elle ne peut être réalisée totalement que par l'intervention de la force gouvernante»[62].

Une telle intervention de l'État trouve un écho favorable chez certains libéraux. Outre Léon Walras et Alfred Marshall, John Stuart Mill défend l'importance de l'intervention publique dans le domaine de l'éducation. D'autre part, Jean de Sismondi défend l'idée d'un État au cœur de la régulation économique et garant du bien-être de la population.

Combat social et utopies

Dès la première moitié du XIXe siècle, les «crises mixtes», c'est-à-dire dont l'origine est toujours agricole mais dont les effets sont de plus en plus importants au niveau industriel, suscitent les premiers combats sociaux. En effet, la crise de 1836, génèrée par la spéculation sur l'émission de titres publics espagnols et portugais, conduit à une crise sociale avec l'apparition du chartisme. Jusque là, d'autres mouvements avaient déjà vu le jour comme le luddisme en Grande-Bretagne ou bien la révolte des Canuts à Lyon en 1831. Cependant, la crise ayant eu le plus de répercussions est celle de 1847, issue des mauvaises récoltes. L'ensemble des pays européens engagés dans le processus de révolution industrielle connaissent des troubles qui culminent en 1848 avec les mouvements révolutionnaires.

Néanmoins, les combats sociaux deviendront plus amples et plus organisés dans la seconde moitié du XIXe siècle. Cela est le résultat d'une concentration de la main-d'œuvre plus grande, dans des usines de plus en plus grandes, et qui de surcroît s'organise autour du syndicalisme. En effet, le droit de grève est autorisé en 1864[63] en France et en 1875 en Angleterre, les syndicats sont autorisés en France en 1884[64] par la loi Waldeck-Rousseau. Par conséquent, des grands syndicats sont crées à la fin du siècle :

Ces syndicats mobilisent massivement les ouvriers lors des crises, par exemple lors de la Grande dépression (1873-1896). D'autre part, ils sont influencés par le socialisme scientifique — le marxisme — initié par Karl Marx et Friedrich Engels[65].

Les grandes utopies du XIXe siècle naissent par conséquent dans ce contexte. Ces dernières sont le plus fréquemment influencées par le socialisme utopique, c'est-à-dire le socialisme précédant le socialisme scientifique. En Grande-Bretagne, Robert Owen imagine la création de colonies, fondées sur la mise en commun des biens, dont la tentative de mise en place échouera. En France, Claude Henri de Saint-Simon prône un mode de gouvernement contrôlé par un conseil constitué de savants, d'artistes, d'artisans et de chefs d'entreprise et dominé par l'économie qu'il convient de planifier pour créer des richesses et faire progresser le niveau de vie. De son côté, Charles Fourier pense une nouvelle forme d'organisation sociale au travers de phalanstères[66] que son disciple, Victor Considérant tentera, en vain, de concrétiser. D'autres courants tenteront d'apporter plus de réalisme à ces utopies. C'est le cas de Louis Blanc qui propose la mise en place d'ateliers nationaux[67] ou bien de Philippe Buchez qui défend la création de vastes coopératives[68]. Au final, ces utopies soulignent une critique du profit capitaliste, de la concurrence, ou du moins ses excès[69] et quelquefois de la propriété privée[70].

Troisième révolution industrielle

Un ordinateur apple Macintosh II
Article détaillé : Troisième révolution industrielle.

Aussi désignée sous le terme de «révolution informatique», elle démarre avec les années 1970 avec l'invention d'Internet (Arpanet, 1969), du microprocesseur (Intel, 1971) et l'ordinateur de bureau (Apple, 1977). Ces inventions vont progressivement se diffuser à la totalité de l'économie provoquant une rupture paradigmatique du processus de production. Les grands conglomérats industriels sont démantelés. Les grandes usines disparaissent dans les pays industrialisés consécutivement à la robotisation des chaînes de montage, à la révolution des moyens de communications qui permettent la désintégration verticale du processus de production et au recours à l'externalisation ainsi qu'à la sous-traitance. Les entreprises se spécialisent tandis que les employés deviennent polyvalents. Elle est aussi une révolution de l'information et de l'intermédiation, avec un essor énorme des télécommunications et de l'industrie financière. Dans le domaine social, elle s'accompagne quelquefois d'une hausse des inégalités.

Voir aussi

Notes et références

  1. Adolphe Blanqui, Cours d'économie industrielle, 1838
  2. Voir le Catéchisme industriel de Saint-Simon.
  3. Max Pietsch, La Révolution industrielle, 1961
  4. David S. Landes, L'Europe technicienne ou le Prométhée libéré, 1980
  5. Walt Whitman Rostow, Les étapes de la croissance économique : un manifeste anti-communiste, 1960
  6. Franklin Mendels, «Protoindustrialization, the first phase of the industrialization process», dans Journal of Economic History, 1972. La théorie ayant été soutenue lors de la thèse de Franklin Mendels en 1969 à l'université du Wisconsin, États-Unis, sous le titre : Industrialization and Population Pressure in XVIIIth Century Flanders
  7. Bernard Rosier, Pierre Dockès, L'Histoire ambigüe. Croissance et développement en question, 1988
  8. Paul Mantoux, La Révolution industrielle au XVIIIe siècle, 1906 et 1928
  9. Fernand Braudel, La Dynamique du capitalisme, 1985
  10. (en) Angus Maddison, http ://www. ggdc. net/conf/Catchup_Conference/paper-maddison. pdf When and Why did the West get Richer than the Rest]
  11. Max Weber, L'Éthique protestante et l'esprit du capitalisme, 1905
  12. Voltaire, L'Ingénu, 1767
  13. Selon François Caron, 77% des entreprises sont des sociétés en nom commun entre 1840 et 1859. Histoire économique de la France XIXe-XXe siècle
  14. François Caron, Histoire économique de la France XIXe-XXe siècle
  15. Le Chapelier, Le Moniteur universel, t. 8, p. 661, cité par Pierre Rosanvallon, L'État en France de 1789 à nos jours, source.
  16. Arnold Toynbee, Lectures on the Industrial Revolution in England, 1884. Citation originale : «The essence of the industrial Revolution is the substitution of competition for the medieval regulations which had previously controlled the production and distribution of wealth. »
  17. Paul Bairoch, Mythes et paradoxes de l'histoire économique, 1994, p.  ?.
  18. Adam Smith, Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776.
  19. Henri Hauser, Les Débuts du capitalisme, 1927
  20. Lewis Mumford, Technique et civilisation, 1950
  21. Georges Duby, L'Économie rurale et la vie des campagnes dans l'Occident médiéval, 1975
  22. Marc Bloch, Les Caractères originaux de l'histoire rurale française, 1931
  23. Pierre Rosanvallon, Le Libéralisme économique : histoire de l'idée de marché, 1989
  24. Alfred Sauvy, Malthus et les deux Marx, le problème de la faim et de la guerre dans le monde, 1963
  25. cf. pour la France L'Enfant et la vie familiale sous l'Ancien Régime, 1960, Philippe Ariès et pour l'Angleterre Naissance de la famille moderne, XVIIIe-XIXe siècle, 1975, Edward Shorter
  26. phénomène mis en lumière par Anne Robert Jacques Turgot, baron de Laune dans Réflexions sur la formation et la distribution des richesses, 1766
  27. Ester Boserup, The Conditions of agricultural growth, 1965
  28. Paul Bairoch, Révolution industrielle et sous-développement, 1963
  29. Phyllis Deane, The First Industrial Revolution, 1965
  30. Jean-Pierre Rioux, La Révolution industrielle 1780-1880, 1971
  31. «La révolution industrielle anglaise n'aurait probablement pas eu lieu sans les progrès agricoles préalables», Jean-Charles Asselain, Histoire économique. De la révolution industrielle à la Première Guerre mondiale, 1985
  32. Le cycle des affaires, 1939, Joseph A. Schumpeter. Titre original : Business Cycle
  33. «La destruction créatrice est un processus interne au capitalisme qui révolutionne incessamment de l'intérieur la structure économique, en détruisant continuellement ses éléments vieillis et en créant continuellement des éléments neufs», Joseph Alois Schumpeter, Capitalisme, socialisme et démocratie, 1942 (dans l'édition française de 1951, Paris, Payot, p. 106-107). «This process of Creative Destruction is the essential fact about capitalism. It is what capitalism consists in and what every capitalist concern has got to live in.», chapter VII, The Process of Creative Destruction, Capitalism, Socialism and Democracy, Joseph A. Schumpeter, Harper & Brothers, New York 1942
  34. Vers de nouveaux rapports entre l'éthique et le droit, par Willy Apollon page 120
  35. Histoire du chauffage urbain Par Michel Raoult, page 59
  36. La vie et les travaux du chevalier Jean-Charles de Borda, 1733-1799, par Jean Mascart
  37. Williams, Ralph M. Pœt, Painter and Parson the Life of John Dyer. New York : Bookman Associates, 1956.
  38. Les mutations de l'économie mondiale, par Laurent Carroué, Didier Collet et Claude Ruiz, page 57
  39. conditions de vie mises en lumière dans l'œuvre d'Emile Zola
  40. Jean Marczewski, «Y a-t-il eu un "take-off" en France ?», 1961, dans les Cahiers de l'ISEA
  41. Remarque : cela explique la filiation historique du club de Paris et du club de Londres
  42. [hhttp ://arforez. free. fr/histoire_et_patrimoine_075. htm ARF, dates]
  43. Robert William Fogel, Railroads and American Economic Growth : Essays in Econometric History, 1964.
  44. Robert William Fogel, Time on the Cross : The Economics of American Negro Slavery, 1974.
  45. Friedrich List, Système national d'économie politique, 1841
  46. Michel Albert, Capitalisme contre capitalisme, Seuil, 1991 (ISBN 978-2020132077)  
  47. Alexander Gerschenkron, Economic backwardness in historical perspective, a book of essays, 1962.
  48. Olivier Marchand, Claude Thélot, Le Travail en France (1800-2000) , 1997. Voir [1]
  49. Pierre Bourdieu, La Noblesse d'État. Grandes écoles et esprit de corps, 1989
  50. Karl Marx, Le Capital, 1867.
  51. Karl Marx, Le Dix-huit brumaire de Louis-Bonaparte, 1852.
  52. Et il ajoute «il ne s'agit pas ici de quelque notion anachronique juxtaposée à la réalité» dans Edward Palmer Thompson, La formation de la classe ouvrière anglaise, Gallimard-Le Seuil, Paris, 1988 (1re éd. originale : Londres, 1963), p. 178.
  53. cf. l'œuvre d'Émile Zola, Les Rougon-Macquart : Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire.
  54. Frederick Winslow Taylor Principes du management scientifique, 1911. Titre original : Principles of Scientific Management
  55. Murray Rothbard, Austrian Perspective on the History of Economic Thought.
  56. Georges Friedmann, Le Travail en miette, 1956.
  57. Edward Palmer Thompson, op. cit. , p. 284.
  58. «Le commerce extérieur est la richesse du souverain, l'honneur du royaume, [... ], le nerf de notre guerre, la terreur de nos ennemis», Thomas Mun, England's Treasure By Foreign Trade, 1664
  59. «De capitalisme entièrement privé, l'histoire n'en a jamais connu», François Perroux, Le Capitalisme, 1948
  60. Léon Walras, Études d'économie sociale. Théorie de la répartition de la richesse sociale, 1896
  61. selon le nom de James Monrœ, cinquième président des États-Unis, qui en 1823 définit l'isolationnisme des États-Unis comparé aux affaires du reste du monde
  62. Léon Duguit, Traité le droit constitutionnel, 1928
  63. loi Ollivier du 25 mai 1864
  64. loi Waldeck-Rousseau du 21 mars 1884
  65. Karl Marx, Friedrich Engels, Manifeste du Parti communiste, 1848.
  66. Charles Fourier, Le nouveau monde industriel ou l'invention du procédé d'industrie attrayante et naturelle distribuée en séries passionnées, 1829
  67. Louis Blanc, L'Organisation du travail, 1839
  68. Philippe Buchez a fondé la revue L'Atelier en 1840 dans laquelle il défend cette idée
  69. «La concurrence tue la concurrence», Pierre Joseph Proudhon, Système des contradictions économiques ou Philosophie de la misère, 1846.
  70. «Qu'est-ce que la propriété ? C'est le vol», Pierre Joseph Proudhon, Qu'est ce que la propriété ? Ou recherches sur le principe du droit et du gouvernement, 1840.

Bibliographie

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